Monsieur le président,
Vous prévoyez de défendre la corrida devant l'ONU.
En quoi le mandat que vous avez obtenu de vos électeurs vous permet-il de prendre une position en cette matière? Votre programme comportait-il ce point ?
Vous qui êtes un partisan de la consultation populaire - vous aviez lancé une pétition en 2009 en vue d'organiser un référendum destiné à inscrire les services publics dans la constitution - ne pensez-vous pas que le peuple Français devrait être consulté sur le sujet de la corrida et des jeux cruels ?
Sujet passionnel certes mais aussi sujet aux franges de la légalité: comment concilier le statut juridique des animaux, les lois de protection animales, la reconnaissance de l'animal comme être sensible avec une pratique délibérément destinée à infliger une souffrance ?
Ce n'est pas au juriste que vous êtes que nous allons apprendre qu'il y a là matière à discussion.
Au début du xxe siècle, une jurisprudence établit que la loi Grammont s'appliquait aux corridas.
L'exception à la loi Gramont ? La corrida est exclue des sanctions prévues par l'article 521-1 du code pénal concernant « des sévices graves ou actes de cruauté envers les animaux5. » depuis 1951.
Interdite par principe et autorisée par exception!
À force d'exception, la loi perd tout sens.
Existe-t-il d'autres dispositions du Code pénal prévoyant une immunité légale en cas de tradition ? La réponse - heureusement - est non.
Cette tradition est ininterrompue depuis 1853 certes mais instituée par un gouvernement illégal issu d'un coup d'état! Et quid de la constitutionnalité de l'exception à la loi Gramont?
La peine de mort était une tradition ininterrompue depuis bien plus longtemps et elle a été abolie.
Nous vous engageons à lire une étude commanditée par le Departamento de Investigación Veterinaria de la Unión de Criadores de Toros de Lidia (UCTL)
En voici quelques extraits qui, même rédigés dans un style scientifique absolument neutre, ne requièrent pas beaucoup d'imagination pour comprendre qu'il s'agit de la description d'actions engendrant de grandes souffrances:
"Conséquence des piques (1.425 données) Du rôle des piques :
1) Modifier le port de tête du taureau par la RUPTURE des MUSCLES EXTENSEURS OU ÉLÉVATEURS de LA TÊTE pour obtenir que le taureau la baisse la tête et que celle-ci ait des mouvements moins brusques.
2) Amoindrir GRADUELLEMENT la puissance du taureau, en diminuant son impétuosité et force, pour le laisser dans des conditions parfaites pour le travail de la muleta.
"Piquer dans ladite zone a pour effet de diminuer la mobilité du taureau en affectant son appareil locomoteur"
"Durée des piques
Les rencontres du taureau avec le cheval, ont été très longues, puisque la durée moyenne d’une seule pique (taureau au-dessous du cheval, pique plantée dans sa chair), a été de 30,84 secondes"
"Le "vrillage" ou action de faire tourner la pique sur son axe longitudinal s'est produite dans 8,12 % des cas, avec pour résultat d’augmenter la durée de la pique, la profondeur des blessures, et d’obtenir des taureaux plus "cassés" à sortie du cheval.
"
La réflexion sur la mise à mort bien aléatoire nous a amenés à poser la question suivante:
Pourquoi ne pas achever le taureau avec un pistolet d'abattage à pointe captive appliquée sur son front? Il mourrait dans la seconde. Il m'a été répondu que cela ne faisait pas partie du règlement. Ainsi le règlement empêche de tuer le taureau proprement et surtout légalement.
Les vétérinaires « taurins » utilisent leur compétence à vérifier que le taureau est soumis à des « sévices graves et actes de cruauté » dans les règles de l'art.
La philosophie de la corrida qui vise à "châtier" le taureau relève d'une fantasmagorie malsaine et obscurantiste à moins de justifier l'usage de la torture comme moyen de "rédemption". Mais quel "péché" aurait pu commettre cet animal pour mériter un quelconque châtiment?
La tradition taurine peut survivre, les éleveurs aussi, de même que les ferias et les spectacles taurins dans les arènes, mais la corrida doit être abolie ainsi que les jeux cruels.
Dans les corridas françaises, les taureaux sont espagnols à 80%. De plus les éleveurs engraissent 10 % de leur bétail pour l'envoyer aux arènes. Le reste part à la boucherie. Donc la fin des corridas n'entrainera pas la fin des espèces bravas.
C'est pourquoi nous vous demandons de bien réfléchir avant de vous rendre devant l'ONU pour défendre l'indéfendable. Vous risquez de vous fourvoyer dans une mauvaise voie: la justice a en effet décidé que la décision d'inscription de la corrida à l'inventaire du patrimoine culturel immatériel de la France doit être regardée comme ayant été abrogée¨.*
Veuillez recevoir, Monsieur le président nos salutations distinguées
*jugement entraînant l'abrogation de fait (4 juin 2015)