Pas de victime à déplorer
dans la forêt incendiée,
pas de victime, et c’est heureux,
dans la pinède en feu !
Et moi, je pleure
sur cette horreur !
J’entends les craquements
et les gémissements,
j’entends les pleurs, j’entends les cris
des arbres mes amis,
des arbres tutélaires,
des animaux mes frères,
un écureuil en flammes,
voici, mon cœur de femme
se brise, tel un miroir
noyé de désespoir.
Tout le peuple menu
de la forêt touffue
flambe ,
les biches et les faons,
les lapins, leurs enfants, *
flambent,
les oiseaux, leurs petits,
prisonniers dans leur nid, *
flambent,
O, ces gémissements
ces râles des mourants.
O, chants de mort, O, lancinants
cris de douleur et de tourments !
Et flamberont les humains fous
quand eux-mêmes seront prisonniers
des brasiers qu’ils ont allumés !.
Pas de victime à déplorer
dans l’océan sur mazouté
pas de victime, et c’est heureux,
dans l’océan glueux !
Et moi, je pleure
sur cette horreur!
J’entends les cris de désespoir
des oiseaux englués de boue noire
visqueuse, comme l’âme inhumaine,
hideuse, comme un halo de haine,
les appels des dauphins échoués
des mouettes pétrifiées
semblables aux chouettes crucifiées
sur les portes des églises.
Sanglotent les Anélise,
noyées de désespoir,
tout le peule nageant, volant,
de l’immense océan
étouffe,
dauphins et goélands,
baleines, poissons blancs,
étouffent
sous l’étau qui les momifie,
eux et leurs petits
étouffent.
O, ces gémissements,
ces râles des mourants.
O, chants de mort, O, lancinants
cris de douleur et de tourments !
Étoufferont les humains fous
quand eux-mêmes seront prisonniers
des océans qu’ils ont pollués !
Pas de victime à déplorer
sur l’autoroute , ce jour d’été,
pas de victime, et c’est heureux
ce jour d’été est lumineux !
Et moi, je pleure
sur cette horreur!
Sur le chat éventré
tripes sur la chaussée
le faon écartelé
le blaireau éclaté
le renard au doux pelage
gisant sur le bas-côté
tous victimes du carnage
qui ensanglante le macadam
voici mon cœur de femme
se brise, tel un miroir
noyé de désespoir
et moi, je voudrais m’arrêter
porter à chacun secours
lui parler
lui donner un peu d’amour
poser mon cœur en larmes
sur son pelage en sang
et, au seuil de la mort,
lui offrir un peu de réconfort .
Impossible ! Je suis prise à présent
dans cet étau omniprésent,
la prison qui s’allonge en ruban.
Je pleure, de honte et de colère
de ne pouvoir secourir mon frère
cet ami qui meurt en solitaire .
Et moi, qui ne peux que me taire !
Me taire? Non!
Je hurle de désespoir
mais je dois continuer
à rouler
sur le sombre ruban noir
qui m’aspire comme un gouffre.
O, cette âcre odeur de soufre,
putride comme l’âme humaine, *
les rancœurs et les cris de haine,
putride comme l’indifférence
qui mène à la désespérance.
Malgré moi, je dois continuer,
je ne peux ni freiner, ni stopper
et ne pourrais même pas traverser
l’autoroute meurtrière
pour aller secourir mon frère.
O, ces gémissements,
ces râles des mourants.
O, chants de mort, O, lancinants
cris de douleurs et de tourments !
Écrasés seront les humains fous
quand ils seront eux- mêmes écartelés,
éclatés, éventrés ,
par les monstres d’acier
qu’ils ont fabriqués !
Pas de victime à déplorer
ce premier jour de l’année,
pas de victime, et c’est heureux,
ce jour de l’an est très joyeux !
Et moi, je pleure
sur cette horreur!
Sur les bêtes trouées,
ligotées, baîllonnées,
dans les laboratoires,
et sur celles hurlant dans tous les abattoirs,
bêtes innocentes dont la vie est tranchée
par le couteau sanglant des bouchers,
pour que l’Humanité inhumaine
ait la panse bien pleine,
bien remplie de cadavre,
de Shangaï jusqu’au Havre.
Et l’on tranche et l’on tue,
coups de hanche et de massue.
Pas de pitié, pas de répit,
tortures de jour, tortures de nuit.
Et moi, en désespérance,
pleure, devant tant de souffrances,
je pleure de ne pouvoir secourir mes frères
victimes dans cet enfer,
cet enfer omniprésent,
je pleure, de honte et de colère,
de ne pouvoir secourir mes frères,
ces amis mourant en solitaires
et moi, qui ne peux que me taire.
Me taire ? Non !
Seront détruits laboratoires,
exploseront les abattoirs,
dans les poèmes
et dans les cœurs des gens qui aiment
nos compagnons de route
O ! L’inégale joute
entre l’animal innocent
et l’ inhumain dément,
incapable d’aimer vraiment,
insensible aux souffrances
d’autrui,
sans respect pour la vie,
gouffre d’indifférence
qui ne veut ni freiner, ni stopper,
sombre Humanité inhumaine,
ses pulsions de mort et de haine,
sa pulsion meurtrière
et torture ainsi ses frères.
O, ces gémissements,
ces râles des mourants .
O, chants de mort, O, lancinants
cris de douleur et de tourments !
Et torturés seront les humains fous
quand eux-mêmes seront ligotés,
éclatés, éventrés, c’est leur sort,
par leurs propres armes de mort !
Pas de victime à déplorer
ce jour d’automne, si coloré,
pas de victime en ce jour tendre
il fait si beau en ce novembre !
Et moi je pleure
sur cette horreur !
Dans un sinistre enclos, quelque part en Ardennes,
Dieu, O, Dieu, quelle peine !
Sur un tas de feuilles mortes,
feuilles qu’apporte
le vent d’automne
si monotone,
pour couvrir le cadavre décharné
de Lucky, le beau destrier
mort de soif et de faim
parce que son maître assassin
l’a laissé là, un beau matin,
sans nourriture et sans eau,
dans ce sinistre enclos.
Et le si beau cheval aux yeux si tendres
tourne en rond, cherche à comprendre,
il ne veut pas mourir !
Quelqu’un va venir,
certainement,
un Humain compatissant
va venir, dans un instant,
ou peut-être demain, au plus tard,
un Humain qui a encore un regard
un peu de cœur et un peu d’âme,
il y a des hommes et des femmes
là-bas, au village,
qui parlent de partage!
On m’a vu et entendu,
j’ai henni si fort
quand j’ai vu s’approcher la mort!
j’ai tant crié,
j’ai tant hurlé
j’ai tant henni
espérant un ami
qui viendrait me secourir,
compatirait à mon souffrir
Personne n’est venu...
et puis je me suis tu,
l’estomac noué
tiraillé,
la gorge desséchée.
Un brin d’herbe, un peu d’eau,
sil te plaît, passant,
puisque mon maître bourreau
m’a enfermé dans cet enclos,
sans eau!
Les passants sont passés
sans me donner à manger,
sans me donner à boire.
O, le désespoir !
Peut-être sans me voir
puisqu’ils sont sans regard !
Et le cheval, les yeux hagards,
qui ne peut plus crier, qui ne peut plus hennir,
convulsé de douleur dans un si grand souffrir,
confie son âme à Dieu au moment de mourir.
Mourra de soif cet inhumain,
mourront de faim ces assassins
qui n’ont pas voulu savoir,
qui n’ont pas voulu voir
le désespoir
de Lucky, le cheval aux yeux si tendres,
mort de faim et de soif,
un jour,
triste,
de Novembre.
Pas de victime à déplorer
en ce vingt et deux janvier,
pas de victime et c’est heureux,
ce jour est vraiment joyeux !
Et moi je pleure
sur cette horreur!
Sur les six mille chèvres à barbichettes,
pour qui ce ne fut pas la fête!
Égorgées ?
Assommées ?
Empoisonnées?
Un glaive acéré
enfoncé
dans le cœur ?
Quelle intense douleur,
quelle douleur intense,
de vivre cette souffrance,
de savoir que la mort est au bout du voyage,
avec son lot
de bourreaux,
ordonnée par des gens qui se disent sages
et qui, c’est un comble,
semblent même au comble
de leur bonne conscience!
Quelle désespérance
de penser à tous ces caprins
si tendres et si câlins
en désespérance
jetés
livrés
sans défense
aux assassins !
Seront jetés aux bourreaux
et ne pourront dire mot
les Humains
inhumains
assassins
qui ont sacrifié
abandonné
emprisonné
assoiffé
affamé
attaché
ligoté
écorché
égorgé
dépecé
découpé
disséqué
troué
étranglé
écrasé
piétiné
torturé
électrocuté
martyrisé
empoisonné
livré au bûcher
chassé
battu
pendu
même un seul animal
de ceux-là, l’âme est bien à mal,
et ira
tout droit,
je l’espère,
………….en enfer !
Anélise, Briançon, juillet 1998, Animaux, je vous aime, et Combat l’un des dix recueils, inédits à ce jour, de Messages. Tous droits réservés
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