Nous, citoyennes et citoyens, habitants, artistes, professionnels des métiers du spectacle, des arts et de la culture, journalistes, historiens, enseignants, éducateurs, élus locaux, agents de la fonction publique territoriale et d’État, représentants de syndicats, d’organisations, d’associations,
Nous sommes aujourd’hui rassemblés pour réaffirmer que les arts, les patrimoines et la culture sont une cause nationale et citoyenne, et ne peuvent en conséquence être livrés à la seule marchandisation.
Nous sommes indéfectiblement attachés à une ambition collective qui doit avoir pour objet de placer la création artistique au cœur de notre projet de société, d’accompagner tous ceux qui favorisent la transmission, l’éducation, le partage et la rencontre avec l’art, d’affirmer la nécessité d’une diversité culturelle, esthétique et territoriale, légitimée par l’association des habitants à sa construction.
C’est pourquoi le service public des arts, des patrimoines et de la culture doit continuer à exister et se développer en France pour garantir la liberté de création, encourager la diversité des expressions artistiques et favoriser l'accès aux œuvres et aux patrimoines pour le plus grand nombre de nos concitoyens.
À ce titre, nous sommes déterminés à faire entendre au Président de la République et à son Gouvernement notre désaccord avec la philosophie qui anime la contribution du ministère de la Culture aux travaux du « Comité Action Publique 2022 », dont nous avons pu prendre connaissance.
Cette « contribution » constitue une rupture sans précédent avec l’idée même de politique publique des arts et de la culture développée depuis des dizaines d’années dans un consensus républicain acceptant l'idée que la culture n'est pas un bien comme les autres. Ce fut tout l’enjeu, à l’échelon des discussions internationales, de la bataille pour l’exception culturelle de faire en sorte que tous les pays puissent développer leurs politiques publiques, y compris en régulant le marché, à travers par exemple des politiques de soutien au cinéma.
Dans cette contribution Action Publique 2022 ne figure aucune vision, aucune ambition pour le rôle du Ministère, pour la place des arts, des patrimoines et de la culture dans notre société, autre que sa destruction. Seulement l'empreinte d'un projet de société cynique, uniquement guidé par une vision comptable et une recherche illusoire de rentabilité. Chaque mesure proposée dans ce document est d’ailleurs assortie d’attentes en termes de « gains financiers » et de réductions d’effectifs.
En matière de création artistique, moteur de toute politique culturelle, il s’agirait, dans une pure logique comptable, d’augmenter la diffusion au détriment de la création. En outre, il pourrait être dérogé au cadre légal qui fixe les missions d'intérêt général exercées par les structures labellisées (scènes nationales, centres dramatiques nationaux...), à la demande des collectivités territoriales ou « pour mieux répondre aux attentes du public »... En d’autres termes, la programmation des théâtres ou des centres d'art labellisés pourrait devoir s'adapter aux desiderata d'élus locaux ou céder aux demandes de tourneurs privés.
Quant à la préservation des archives, mission partagée par l’État et les collectivités territoriales, le projet invite à « limiter l’archivage aux seules archives essentielles » ! Qui donc décidera aujourd'hui, pour les futurs historiens, que certaines archives sont plus essentielles que d'autres ? De fait, la proposition de numériser des masses considérables de documents sous prétexte de faire des économies s'accompagnerait de leur destruction. Inepte et intolérable, celle-ci est une atteinte à l'exercice de la démocratie et la citoyenneté.
Logique de rentabilité encore pour les musées - services à compétence nationale qui sont actuellement directement rattachés à l'administration centrale du Ministère. Le projet de fusion tous azimuts de ces musées, pour les inscrire dans une trajectoire mercantile, et qui serait censée répondre au désengagement de l’État, est totalement dépassé et archaïque. Nous portons l'idée que les musées doivent, plus que jamais, être placés au cœur de la vie de la Cité, comme lieu de partage des cultures, de transmission des connaissances et des savoirs et d'accès aux œuvres majeures de l'humanité. Ces musées permettent de faire société ; ils sont un don pour faire culture !
L’audiovisuel public évidemment n’est pas en reste. Le Ministère propose, entre autres, l'arrêt pur et simple de France Ô, le regroupement de Radio France et France télévisions en un « holding », la fermeture des bureaux régionaux de France 3 et une « reconfiguration des orchestres de Radio France », pouvant aboutir à la suppression de l'un d'eux. Loin de ces viles propositions, nous portons l’ambition d’un service public de l’audiovisuel qui participe pleinement à l’amélioration de la qualité du débat public et renforce ainsi la démocratie.
Concernant l’administration centrale qui se doit d’être « stratège », elle se verrait pourtant dépouillée de ses missions, notamment en transférant aux « services déconcentrés et établissements publics la gestion des dispositifs d’intervention, d’animation ou de subvention », pour en faire une administration technocratique et hors-sol, avec des suppressions de postes à la clé, bien loin des besoins et des réalités ! Faut-il rappeler que l’administration centrale du Ministère assure la cohérence des politiques nationales, ce qui fait précisément la raison d’être du ministère. Demain, c’est exactement le contraire qui est prévu avec le projet de son éclatement façon puzzle, entraînant à sa suite toutes les inégalités de traitement et la fin des politiques publiques nationales. Il en serait fini d’un ministère garant d’un service public de la Culture pour toutes les populations sur l’ensemble du territoire.
Nous, citoyennes et citoyens, artistes, professionnels des métiers des arts, des patrimoines et de la culture, journalistes, historiens, élus, agents de la fonction publique territoriale et d’État, représentants de syndicats, d’organisations, d’associations, usagers,
- Soutenons un projet de société progressiste et éclairé, où les arts, les patrimoines, la presse et la culture sont des éléments essentiels à l’émancipation individuelle et collective, à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, et dont la vitalité contribue à l’épanouissement des populations et à la démocratie culturelle, comme au rayonnement politique et économique de la France,
- Réaffirmons que le soutien à une création audacieuse, exigeante, novatrice, plurielle, favorisant l’émergence de nouveaux artistes, l’ouverture aux autres cultures, l’équité territoriale, le développement de la médiation culturelle pour un accès de toutes et tous à la culture sont les fondements d’une politique culturelle humaniste et progressiste.
Dans notre société déchirée par les inégalités de toutes sortes et les replis mortifères, nous sommes convaincus qu’une politique culturelle publique moderne doit être concertée dans un cadre démocratique et qu’elle doit se faire avec celles et ceux qui la font vivre.
C’est pourquoi, sans transiger sur les principes et les valeurs qui fondent les politiques culturelles publiques, dans l’objectif de les améliorer en les adaptant aux enjeux du monde contemporain et d’une modernité éclairée, nous décidons de nous réunir dans le cadre de Nouveaux États généraux afin d’élaborer ENSEMBLE un pacte national des arts, des patrimoines et de la culture.
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