Notre-Dame de Paris : un patrimoine musical unique en péril

Par cet appel, nous unissons nos voix pour exprimer notre bouleversement et notre profonde inquiétude suite aux licenciements brutalement annoncés par la direction de l'association Musique sacrée à Notre-Dame de Paris la semaine dernière. Décision motivée par des soucis financiers bien concevables après le terrible incendie qui a privé la Maîtrise de son principal lieu de vie, mais élaborée dans la hâte, sans aucune concertation avec le personnel et les équipes pédagogiques en place, sans concertation avec les représentants des élèves et des parents, et sans aucune transparence ni possibilité de dialogue.

Les licenciements annoncés visent en premier lieu le chef du département de musique sacrée médiévale, Sylvain Dieudonné, professeur aimé et reconnu par tous, tant pour son apport musical et musicologique incontestable que pour ses qualités humaines et pédagogiques rares. En poste depuis plus de 25 ans à la Maîtrise de Notre-Dame, il a su avec habileté amener la tradition du grégorien liturgique à un très haut niveau de qualité artistique que le monde entier nous envie. Par ses concerts, il a su transmettre le goût de la musique médiévale à des générations de chanteurs et d'auditeurs et se faire le garant de la transmission des répertoires « de l'Ecole de Notre-Dame de Paris » dans lesquels l'invention de la première notation du rythme dans la musique occidentale côtoyait le chantier de la cathédrale au XIIè s. D'où notre consternation au moment-même où est envisagée l’inscription du patrimoine musical de la Cathédrale à l’inventaire national du patrimoine culturel immatériel par le ministère de la culture.

Les autres licenciements annoncés concernent des professeurs de langue et de théâtre. En se privant de ces enseignements, la structure fragilise son panel pédagogique à l'endroit précis où réside sa force : offrir à ses étudiants (enfants, adolescents et jeunes adultes) une formation d'excellence qui couvre mille ans de pratique et d'esthétique musicale, où le médiéval côtoie l'interprétation contemporaine, où le chant soliste côtoie le chant choral.

       Nous, étudiants au coeur de l'une des plus belles formations de chant en France, nous qui en sommes fiers et souhaitons prendre part à sa survie après le terrible incendie qui nous a tous frappés ;

       Nous, anciens étudiants qui chaque jour dans notre métier de musicien (solistes, choristes, chefs, enseignants) nous appuyons sur l'inestimable richesse de l'enseignement reçu à la Maîtrise de Notre-Dame ;

       Nous, chefs qui engageons les chanteurs issus de la Maîtrise de Notre-Dame pour leur polyvalence stylistique et technique, qualités inestimables aujourd'hui mises en péril ;

       Nous, parents qui avons confié nos enfants à la Maîtrise de Notre-Dame pour l'excellence de son projet pédagogique ;

       Nous, amis, mélomanes, public, musicologues, historiens, chercheurs, professeurs, qui redoutons le détournement de l’identité de la Maîtrise de Notre-Dame : association dont la mission première énoncée par ses statuts est « la mise en valeur du patrimoine musical de la Cathédrale et de la musique sacrée, la recherche musicologique autour de ce patrimoine ».

Alors que la sauvegarde du patrimoine architectural de la Cathédrale depuis l’incendie du 15 avril dernier fait l'objet de toutes les attentions et dotations, l’heure est aussi à la préservation de son Patrimoine Immatériel*.

Nous demandons que soient reconsidérées les décisions prises trop hâtivement par la direction, en concertation avec tous les acteurs – enseignants, étudiants, tutelles publiques, privées et liturgiques - qui rendent possible la vie de la Maîtrise de Notre-Dame...


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* Rappelons qu'aucun euro des fameux 922 millions récoltés suite à l'incendie ne pourra aider la Maîtrise : cet argent est destiné uniquement à la reconstruction matérielle de la cathédrale et ne peut pas servir son activité vivante.