Dévulgarisons

Plaidoyer Pour Un Mot.

Dévulgarisons « con ».

J'ai conscience, en commençant cet article, que je ne vais élaborer qu'une ébauche d'argumentation. Toutefois, à l'heure où des mots comme « bordel » viennent signifier « désordre » dans les bouches les plus responsables du pays, il me semble primordial de tenter de définir, puis de défendre ce terme qu'on emploie partout et qui a une signification bien particulière.

Une étude sérieuse autorise l'impasse sur son usage comme interjection (voire comme ponctuation orale à la manière dont on l'emploie dans la région toulousaine) et aussi, sur le fait bien connu qu'on est, quoi que cela signifie, tous « le con d'un autre » ; une argumentation sérieuse doit s'appuyer sur des faits et non sur des assertions subjectives.

Force est de constater que ce qu'en dit le dictionnaire (hachette) qui présente le « con » comme un synonyme très familier, voire argotique, de stupide ou idiot et la variante « connard » (on notera les 2 « n » qui dénotent une fantaisie orthographique injustifiée) qui le rapproche de crétin ou imbécile ne sont pas de la plus grande exactitude, car on connaît des gens qui ne sont ni stupides, ni imbéciles qu'on traite avec justesse de cons et parfois même, sans qu'ils soient obèses, de « gros cons ».

Historiquement, ce mot dérivé du latin est employé (autrement que pour sa signification originale anatomique, donc au sens qui nous intéresse) à partir de la fin du XIX° (on le trouve chez Stendhal et Mérimée) et les dictionnaires des synonymes l'apparentent à bête, abruti, borné, bouché, nigaud, obtus, … La nuance qui en fait un mot unique reste à préciser.

Michel Audiard, grand linguiste, dans le film les « tontons flingueurs » donne une indication en énonçant un point qui est une ébauche de définition : « Les cons, ça ose tout. C'est même à ça qu'on les reconnaît. »* qui va nous servir de point de départ.

Le con n'est donc pas inintelligent, mais... il ignore certaines limites, saute certains filtres. C'est dans ce « mais » que nous pouvons affiner la définition exacte du sens du terme que nous analysons.

Il n'est pas inintelligent, mais il a du mal à concevoir qu'une pensée différente de la sienne puisse exister. En effet, sa solution est LA solution, son itinéraire est L'itinéraire, sa recette est LA recette, son opinion est L'opinion, son choix est LE choix, etc...etc...

Il n'est pas vraiment stupide ou imbécile, mais s'il ne comprend pas il n'en a pas conscience, et surtout, il ne comprend que ce qu'il veut comprendre, ce qui va dans son sens. Il n'est pas borné au sens de « limité dans ses capacités » mais plutôt au sens de figé, campé sur ses positions et ses convictions.

Il fait souvent céder sa raison à ses traits de caractère ; c'est-à-dire qu'il sait qu'il ne faut pas faire certaines choses mais, il le dit souvent lui-même : « c'est plus fort que lui », il ne peut s'empêcher de réagir, peu importent les conséquences. Et sa compréhension égocentrée des choses lui fait imposer ses certitudes avec tellement de conviction et surtout d'insistance qu'il peut en devenir méchant.

On voit donc que sans ne rien comprendre à rien, il ne comprend qu'à sa manière. Sans être limité, il se borne sur ses conceptions. Il n'a pas l'absence de réflexion de la bêtise, mais une forme d'animalité privilégiant la pulsion au raisonnement et une volonté d'imposer son point de vue jusqu'à une violence qu'on peut qualifier de harcelante et pouvant dériver du verbal au physique.

C'est donc ce cumul de caractéristiques paradoxales qui définissent la forme de crétinité spécifique du « con » et en font un mot qui n'a pas de synonyme dans le langage châtié ou soutenu ; et donc en fonction de cette spécificité, je demande aux autorités compétentes le passage de ce terme qualifié de familier, voire vulgaire, dans le langage soutenu et éventuellement médical.

20 X 2017

Sam MOURIER * https://youtu.be/qXCh984CQZw