Oui à l'ouverture des librairies, salles de spectacle, lieux culturels, commerces "non-essentiels" pendant la crise sanitaire due au Covid-19

à

Monsieur le Président de la République, Monsieur Emmanuel Macron
Monsieur le Premier Ministre, Monsieur Jean Castex
Madame la Ministre de la Culture, Madame Roselyne Bachelot

C'est par une nuit d'insomnie que je prends la plume... et la souris pour vous écrire cette lettre ouverte qui deviendra une pétition sur le web. Nuit d'insomnie parce qu'il est impossible de dormir lorsque l'on constate la descente aux enfers du monde de la culture et des arts en France, suite à l'instauration du 2ème confinement sanitaire. Ou plutôt devrais-je dire semi-confinement, avec votre choix de fermer les commerces "non-essentiels" et de laisser actifs d'autres secteurs du monde du travail.

S'il est indéniable que, devant la crise sanitaire due au Covid 19, il est nécessaire d'agir, on s'interroge sur le bien-fondé de vos décisions, bien que nous ayons progressé question gestes-barrières. Des décisions bureaucratiques, résultat de la mise à mal de notre système de santé, un des meilleurs du monde, qui, en vingt ans, a vu ses hôpitaux soustraits de 100.000 lits. Conclusion : possibilité de se ruer dans le métro, de se bousculer dans les supermarchés, magasins de bricolage, jardineries et autres, de rassembler professeurs et élèves dans des classes parfois surchargées, là où le risque viral est multiple mais... fermeture du "reste".

Ces dernières 24h, lorsque les libraires indépendants ont contesté la fermeture de leur librairie alors que la Fnac (ou autre grande surface) continuait de vendre des livres, votre réponse fut : on ferme les "rayons culture" de la Fnac !

Vous nous confinez dans l'Absurdie et nous y nageons allègrement.

Apprendre que les acteurs de la culture et de l'art exercent des métiers "non-essentiels" laisse pantois. Nous sommes donc tous des inutiles ? Nous, le reste... Le reste ? Qui sommes-nous donc ? Sachez qu'avant les libraires, en amont, il y a les écrivains et les éditeurs. Des éditeurs indépendants qui proposent souvent leurs ouvrages dans leur propre librairie. Qu'il y a des écrivains qui se battent aussi pour créer l'événementiel autour du livre, de la lecture et de la lutte contre l'illettrisme. Rajoutons les artistes, les artisans d'art, les décorateurs, les gens de la mode et de la couture qui ne peuvent exposer dans les galeries ou ouvrir leur atelier-boutique. Les auteurs, comédiens et danseurs interdits de théâtre. Les compositeurs et musiciens interdits de salle de concert.

Combien de librairies, d'éditeurs, de galeries, d'ateliers, de salles de spectacle privées ne rouvriront jamais à cause de ces mesures discriminatoires ?

Certes, vous avez prévu des fonds de solidarité à coups de centaines de millions d'euros : mais n'oubliez pas qu'ils ne sont que... nos impôts. Le serpent se mord la queue. Toutefois, soyez conscients que beaucoup d'entre nous ne seront jamais ainsi assistés : trop de critères sélectifs entrent en ligne de compte. Mais de ceci, nous n'en voulons pas car nous désirons d'abord vivre de notre travail artistique en toute indépendance.

Puisque je n'ose imaginer que vous estimez, comme le gouvernement anglais le préconise, que les artistes devraient changer de métier, je vous engage immédiatement à faire rouvrir les librairies et autres espaces de culture "non-essentiels". Et vite. Sinon, sachez que nous n'occuperons jamais de lits de réanimation car nous ne mourrons pas du Covid 19 : nous serons tous morts, tout court, avant.

Pour le droit à la culture, l'instruction, le livre, l'art, la création et la liberté d’expression.

Eulalie Steens
Femme de lettres, sinologue
Créatrice et organisatrice du Salon du Livre à Cayeux-sur-mer, en été, en Baie de Somme
Sociétaire de la SACD et de la SGDL