Si d’Ormesson était décédé juste après Johnny Hallyday et non juste avant, eût-on parlé autant de sa disparition ?
Si Victor Hugo vivait à notre époque et qu’il fût mort le même jour que J. Hallyday, eût-on fêté sa mémoire comme elle le fut en 1885 ? Gageons que les hommages au chanteur auraient surpassé les hommages rendus à l’écrivain.
Qui sait qu’Anthony Burgess est l’auteur d’Orange mécanique (et non le réalisateur Stanley Kubrick) ?
Qui sait que Robert Bloch est l’auteur de Psychose (et non le réalisateur Alfred Hitchcock) ?
Qui sait qu’Apocalypse Now est inspiré d’Au cœur des ténèbres, la géniale nouvelle de Joseph Conrad ?...
Pis : qui connaît (encore) les noms de Burgess, Bloch, Conrad et de tant d’autres génies des lettres ?...
De très nombreux films s’inspirent de romans dont les auteurs ne sont jamais évoqués et qui disparaissent honteusement des mémoires, tout le mérite artistique revenant aux seuls gens du cinéma. Le culte de l’image aura donc tout emporté sur son passage, à commencer par la littérature.
La faute à qui ? Au public autant qu’aux médias, qui ne font que donner au premier ce qu’il désire, et qui rapporte gros.
Serge Joncour l’a constaté : « La vie de l’écrivain ne fait plus rêver. C’est cela, la surprise. Je m’en suis aperçu en me rendant dans les lycées et je le mesure un peu partout. Je dois avouer que ce constat m’a étonné. Il me semble qu’il y a trente ans le regard était différent. Aujourd’hui, ce qui fait fantasmer, c’est quand je dis que je travaille pour le cinéma. Du coup, j’en ai fait mon alibi, je m’en sers de cheval de Troie. Quand viennent les questions spontanées, je vois bien que le statut d'écrivain ne donne pas envie, contrairement au cinéma. C’est inquiétant. »
Hier, les écrivains étaient adulés. Aujourd’hui, ils passent loin derrière les acteurs et les chanteurs, qui rédigent de mauvais livres parfois primés (dernier exemple en date : le Goncourt de la nouvelle décerné en 2017 à Raphaël Haroche). Parce que la célébrité fait vendre et prime sur le talent. Parce que la littérature est sacrifiée sur l’autel de l’économie.
Ces « vedettes » sont présentées sans vergogne par les journalistes comme des « écrivains », quand les vrais écrivains sont ignorés, pour ne pas dire méprisés par les médias, du moment qu’ils n’appartiennent pas au Landerneau parisien ou au show business.
Parce que la littérature est en train de mourir de la main de ceux-là mêmes qui devraient la défendre : éditeurs, critiques, jurys, etc.
Parce que la disparition d'un écrivain exige autre chose que le silence ou qu'une phrase en fin de journal télévisé.
Parce que l'écrivaine J. C. Oates méritait le Nobel à la place du chanteur Bob Dylan.
Etc.
"J'ai peu d'indulgence pour les écrivains qui ne prennent pas leur boulot au sérieux et je n'en ai aucune pour ceux qui voient l'art du récit de fiction comme fondamentalement éculé. Ce n'est pas un art éculé. Ce n'est pas non plus un amusement littéraire. C'est l'un des moyens essentiels dont nous disposons pour essayer de donner du sens à nos vies et au monde souvent terrible que nous voyons autour de nous."
Stephen King (2009)
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