Monsieur le président de la République, Mesdames et Messieurs les ministres,
A qui de droit,
Musiciens professionnels, nous vous écrivons concernant les interdictions d'organiser des concerts, qui touchent durement notre profession. Bien sûr, depuis le début de la crise sanitaire de nombreuses voix ont attiré votre attention sur notre situation financière précaire et quelques actions nécessaires ont été entreprises en ce sens.
Mais ce que vous ne semblez pas percevoir est qu’il ne s'agit pas seulement de la perte de revenus qui impacte tous les musiciens, qu’ils soient soumis ou non au régime de l'intermittence.
Il nous est tout aussi difficile de ne pouvoir exercer notre métier et notre passion dans un cadre qui ait du sens, à savoir lors d'un partage avec le public.
De tout temps, et particulièrement en ces temps de pandémie, la communion entre humains lors d'un concert ou de toute manifestation artistique est nécessaire à l'âme, au bien-être.
Pour ce qui est de la musique classique, dont les concerts sont en général non sonorisés et sont de ce fait destinés à un public restreint, interdire les concerts tout en permettant les offices religieux, alors que les lieux de cultes accueillaient toute une partie de la scène musicale, témoigne d'une méconnaissance totale des pratiques répandues. Nous ne parlons évidemment pas pour les grandes scènes, ni pour les ensembles ou les stars habituées à jouer devant plusieurs centaines voire milliers de personnes.
La diversité de la scène classique est en danger. En effet, combien de petits ensembles voient leurs musiciens jeter l’éponge et se reconvertir dans une branche plus stable et plus sûre? Combien de musiciens peinent à trouver du sens à leur vie et perdent lentement l’envie de créer, allant pour certains jusqu’à renoncer à la vie? Combien d’étudiants accueilleront encore les conservatoires menant à une filière mise de côté par les dirigeants? Réfléchissez-y: la passion et la discipline de vies entières, des heures de travail, une volonté et une capacité d’expression sont ignorées et niées sous les noms variés de “prolongation de l’année blanche”, “dédommagement d’annulation”.
Interdire, en ces temps difficiles pour tout un chacun, les concerts et tout spectacle vivant, c’est arrêter de croire en l’intérêt de la beauté et de l’espoir pour surmonter les moments difficiles. C’est arrêter de croire que la beauté et l’art changent la vie.
Interdire les concerts et faire taire la musique, c’est accepter que toutes les personnalités, grandes et petites qui font le mordant ou la douceur d’un ensemble, le son d’un orchestre, tant de personnes dédiées à leur art, soient rattrapées par le pragmatisme et l’amertume, la réalité rongeant la consécration à l’art d’une vie, assignée aujourd’hui à une reconversion inévitable.
C’est aussi ignorer que c’est entre la scène et le public, dans la réalité et la magie du moment, que la connexion se crée, que l’auditeur vient cueillir sa propre manière d’entendre cette musique et l’emporte au plus profond de soi. Le musicien connaît le chemin qui mène au cœur des hommes. Il laisse la musique couler de lui et sait qu’elle est arrivée, qu’elle est entendue, perçue, assimilée, digérée, réinterprétée, avalée, rangée, invocation au Vivant du plus profond de nous-même. C’est pourquoi nous sommes essentiels les uns aux autres. C’est pour cela que le musicien a besoin du public et inversement et que nous nous associons dans nos revendications.
Monsieur le Président, dans le temps d'avant la pandémie, les lieux de culte étaient un lieu de travail fréquent pour les musiciens classiques, et lors de nos concerts il y avait généralement entre 100 et 200 personnes. Ce public serait aisément réparti dans la plupart des lieux de culte de taille moyenne avec la jauge actuelle appliquée lors des services religieux.
Interdire les concerts est aussi criminel pour les musiciens concernés qui dépérissent et ne peuvent en parler (sous prétexte que pour les plus chanceux d’entre nous, ceux soumis au régime de l’intermittence, voilà déjà plus d’un an qu’ils sont payés à ne rien faire) que pour le public.
Nous souhaitons organiser une grande action le 2 mai de 16h-17h dans tous les lieux de culte qui nous ouvriront leurs portes, dans le respect strict des règles sanitaires (distanciation, port du masque et jauges qui s’appliquent actuellement dans les lieux de culte).
Nous vous prions d'agréer, Mesdames, Messieurs, l'expression de nos salutations musicales.
Artistes et public
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