Objet : Lettre de soutien contre l’avis d’expulsion de la famille Poteri et l’avis défavorable pour l’obtention d’un titre de séjour « vie privée et familiale »
Monsieur le Préfet,
Par la présente, je sollicite votre bienveillance afin que la famille Poteri, aujourd’hui sans-papiers et en situation d’expulsion, puisse bénéficier d’un titre de séjour « vie privée et familiale » afin que leurs deux enfants, Orges âgé de 5 ans et Butrint âgé de 8 ans, poursuivent leur scolarité.
En effet, cette famille est arrivée sur notre territoire depuis 2015 et j’ai eu la chance d’accueillir l’un de leur enfant, Butrint Poteri. Malgré les difficultés que peuvent apporter un tel changement, Butrint s’est parfaitement intégré. Il a fallu qu’il s’approprie une nouvelle langue tout en apprenant à lire. C’est un défi qu’il a relevé avec aisance et ce grâce à une assiduité sans faille.
En plus de cet énorme challenge, c’est un enfant qui s’intéresse à tout. Il pose de nombreuses questions pour comprendre le monde qui l’entoure. Avec son dynamisme et sa soif d’apprendre, il pourrait faire partie des gens qui accompliront de belles choses pour son pays. Mais quel pays ? Son pays sera celui qui lui offrira la possibilité de poursuivre une scolarité décente.
Lorsque ses camarades ont appris qu’il allait certainement quitter notre pays pour retourner dans son pays d’origine, les questions ont fusé. Pourquoi doit-il partir ? Pourquoi doit-il retourner dans un pays qui n’est finalement pas le sien ? Comment expliquer à des enfants de 8 ans que notre pays, qui a pour devise « Liberté, Egalité, Fraternité », renvoie leur camarade, leur copain, leur ami dans un pays où la situation économique et le système éducatif sont déplorables ?
D’ailleurs, d’après les tests PISA, mis en œuvre par l’OCDE et qui évalue les performances scolaires des élèves de 15 ans dans 72 pays, le Kosovo se classe à une peu glorieuse 70e place. Alors, pourquoi gâcher les chances d’un enfant qui a fait ses preuves tout au long de ces deux années de scolarité sans faille ?
D’ailleurs, si Butrint a réussi à s’épanouir dans son nouveau pays, ses parents y sont forcément pour quelque chose ! Ils lui ont offert la chance de découvrir que l’on peut vivre dans un pays en paix, où les enfants ont accès à une véritable éducation. Ils ont eu le courage de tout quitter pour offrir mieux à leurs enfants. Qui pourrait leur jeter la pierre pour avoir agi de la sorte ? Qui ne pourrait pas leur tendre la main pour les aider à poursuivre leur rêve d’offrir à leurs enfants une vie meilleure.
A ce jour, ils se sont vus refuser leur demande d’asile et par la suite celle de titre de séjour « vie privée et familiale ». Ils ont fait plusieurs appels et des procédures sont en cours. Cependant, en attendant les décisions de justice, cette famille ne peut plus bénéficier de l’aide du CADA et vont se retrouver SDF. Comment peut-on les laisser dehors ? Leur accorder un titre de séjour « vie privée et familiale » leur permettrait d’accéder à une demande d’HLM, permettrait aux parents d’accéder à un emploi et surtout cela offrirait aux enfants la possibilité de poursuivre une scolarité digne de ce nom.
En tant que citoyenne française, européenne, maman et enseignante, je ne voyais pas comment il était possible de ne pas vous communiquer ce courrier afin que vous puissiez revoir en urgence leur requête pour obtenir un titre de séjour « vie privée et familiale ». Je vous ai longuement parlé de Butrint, leur fils ainé que je suis depuis son arrivée dans notre pays, mais l’assiduité de la scolarité de son petit frère en est tout aussi exemplaire et cela n’est possible que par la présence bienveillante de leurs parents.
Je resterai en outre à votre disposition pour tout renseignement complémentaire.
Vous en remerciant par avance et dans l'espoir de l'aboutissement favorable de cette démarche, je vous prie d'agréer, Monsieur le Préfet, l'expression de ma haute considération.
Mélissa DEBEZ