Nous, habitants et habitantes de Marcillac et du Vallon, associations et collectifs, questionnons le choix de la municipalité de Marcillac d'installer cinq caméras de vidéo-surveillance, en le justifiant par des désagréments mineurs au regard du grave changement dans le vivre-ensemble qu'occasionnera cette installation.
Des caméras pour filmer les poubelles
Les coins poubelles du village seraient un peu trop régulièrement confondus avec une déchetterie. Lors de la réunion publique du 25 septembre 2020, une remarque très censée d'une habitante propose qu'un camion de la déchetterie fasse des tournées deux fois par mois pour récupérer ces encombrants - qui sont motifs à l'installation des caméras. Car, dit-elle, les personnes âgées ont du mal à se débarrasser de certains objets, comme d'autres personnes qui ne sont pas véhiculées. Monsieur le Maire approuva alors cette « excellente idée, d'autant que le camion il existe et il est utilisé dans certaines communes ». En effet, on devrait pouvoir trouver facilement matière à remédier à ce genre de petit soucis... et il apparaît à tout le monde que filmer des poubelles serait plutôt incongrue ! C'est pourtant ce que la mairie est en train de mettre en place...
A chaque fois qu'un système de vidéosurveillance est installé dans une commune (peu importe la raison donnée initialement), l'on constate systématiquement que le nombre de caméras augmente d'année en année, de mandat en mandat. A chaque problème soulevé ultérieurement, il sera si tentant de mettre une caméra de plus. Preuve s'il en est, avant même l'installation de ces caméras, la mairie projette d'en installer autour de l'école...
Des caméras pour filmer l'entrée de l'école maternelle
Ce sont des bris de verres et des détériorations du tableau d'affichage ou de la boite aux lettres situées dans l'entrée qui servent ici de prétexte. Encore une fois, cela semble dérisoire pour justifier de filmer enfants, parents, et enseignants à chaque entrée et sortie de l'école. Alors la mairie avance la « sécurité des enfants », sans en dire plus. Nous estimons pour notre part que les enfants sont très bien encadrés par l'équipe enseignante, qu'il n'y a aucun problème de sécurité à l'école, et qu'habituer dès le plus jeune âge des enfants à associer la notion de sécurité à un outil de contrainte technologique, et à s'y habituer visuellement, n'est pas neutre.
Dès 2005 un syndicat de l'éducation dénonçait ainsi le risque des caméras en milieu scolaire : « Est-il sain, pour le futur citoyen, de lui faire croire qu’il sera mieux dans un environnement où l’électronique assure le contrôle social ? Les caméras prétendent à un effet dissuasif immédiat mais décrédibilisent le contrat éducatif en déresponsabilisant les humains au profit d’un ordre de plus en plus dépersonnalisé, fondé non pas sur la solidité de leur lien mais sur la puissance de moyens de coercition »1
Ainsi, pour la sécurité de nos enfants, nous voulons une école et un village sans caméras, afin de leur montrer qu'ils sont au sein d'une communauté envers laquelle ils peuvent avoir confiance. Plutôt qu'alimenter la solution « facile » des caméras n'apporte aucun résultats tangibles.
Une vidéosurveillance inefficace qui aggrave les tensions
Laurent Mucchielli, Directeur de recherche au CNRS spécialisé sur la vidéosurveillance, explique qu'elle « n’assure ni prévention ni dissuasion des actes de délinquance et elle n’a globalement aucun impact sur le niveau de la délinquance enregistrée » et que systématiquement, on observe un « phénomène de déplacement des problèmes que provoque l’implantation de caméras en liaison avec un problème précis »2. Même la Cour des Comptes assure en octobre 2020 que « aucune corrélation globale n’a été relevée entre l’existence de dispositifs de vidéoprotection et le niveau de la délinquance commise sur la voie publique, ou encore les taux d’élucidation »3. En 2011, elle affirmait également que « aucune étude d’impact, réalisée selon une méthode scientifiquement reconnue, n’a encore été publiée »4. Et cela est toujours vrai à ce jour.
Le journaliste Hubert Guillaud explique qu'en criminalisant les incivilités plutôt qu'en les apaisant, la vidéo-surveillance « semble une politique sécuritaire qui se développe à la place d’une offre de sociabilité et de cohésion sociale, de loisirs et de vivre ensemble, d’une politique de prévention ou d’accompagnement des populations en difficulté qui seraient peut-être plus utiles pour développer un sentiment de sécurité et une meilleure sociabilité »5.
La section de Rodez de La Ligue des Droits de L'Homme dénonce un projet inadapté et préoccupant.
(Communiqué du 11 mars 2021 reçu par la mairie de Marcillac https://ccaves.org/blog/wpcontent/uploads/COM_VIDEOSURVEILLANCE_ExempleMARCILLAC_ProjetLDH_20210309.pdf)
« Le choix d’installer des caméras de vidéosurveillance à Marcillac nous semble inadapté pour lutter contre quelques incivilités. En effet, ces systèmes onéreux se font au détriment de la prévention ; les personnes chargées de la prévention sont remplacées par un «mirage» technologique normatif et destructeur de lien social.
La vidéosurveillance entraîne une surveillance supposée répressive par la sanction des comportements délinquants. Mais elle est surtout une surveillance préventive, et le fait d’être vu sans voir peut induire un comportement de «soumission», conformation à une «normalité» supposée, qui incite le citoyen à avoir un comportement «normal», sans que l’on sache ce que cela sous-entend. La vidéosurveillance peut aussi conduire à un simple déplacement des comportements délinquants.
D’autre part, pour le cas de Marcillac (…) n’a pas, de fait, été débattu. Il nous apparaît donc indispensable de consulter la population, après la tenue d’un débat contradictoire ouvert au public. C’est, nous le pensons, une base de la démocratie locale. Si ce débat ne pouvait avoir lieu, du fait des conditions sanitaires, nous demandons la suspension du projet ».
Pour une réelle démocratie locale et participative : un référendum est nécessaire
Enfin, nous questionnons la temporalité de ce projet et l'absence de mise en œuvre d'une réelle démocratie locale. Alors que toute vie démocratique est suspendue depuis une année, les rencontres impossibles ne serait-ce qu'au café, les habitant-s ont eu droit à un simulacre de consultation. La mairie a seulement proposé une réunion en juillet (à la sortie du premier confinement) et en septembre, puis la délibération sur le principe du déploiement des caméras est advenue lors du second confinement. Nous saluons par ailleurs le vote contre ou l'abstention de 6 élu.e.s. Quant au « sondage » effectué par les élu.e.s,il ressemble à un simulacre de démocratie : en allant chercher les sacs poubelles à la salle des fêtes, les habitant.e.s étaient tout bonnement soumis. à un interrogatoire par les élu.e.s assis devant eux (avec la liste d'émargement) : « êtes-vous pour ou contre les caméras ? » était la sommation à laquelle devait répondre des citoyen.ne.s auprès de qui aucun débat ni aucune réelle présentation n'avait été faite. Qui plus est, les caméras étaient évoquées à l'entrée de la salle comme une solution possible aux incivilités de tri largement photographiées sur des panneaux d'exposition, influençant ainsi la réponse donnée.
Pour un village vivant, solidaire, sans caméras
Il y a d'autres perspectives pour Marcillac qu'un village vidéo-surveillé. Des bris de verres ou un dépôt de déchets ici ou là ne sauraient justifier l'installation d'un tel dispositif de surveillance. Nous sommes un village de 1700 habitants et habitantes, où les problèmes mineurs rencontrés méritent mieux que cette solution technologique. Citoyens et citoyennes - adolescentes, jeunes et adultes, associations, parents d'élèves, agents communaux et élus doivent pouvoir remédier ensemble aux soucis de la vie quotidienne, dans le cadre d' une démocratie locale. Ce village mérite mieux que des caméras où chaque habitant devient présumé coupable. Les 18 000 euros d'argent public que vont coûter ce projet (d'après les chiffres provisoires dont nous disposons), ne seraient-ils pas plus utile ailleurs, dans l'aide aux associations (comme la banque alimentaire de Marcillac par exemple) qui ont beaucoup souffert depuis une année, ou afin de rémunérer un animateur pour les adolescents (Famille Rurale, FOL, ou l'Union française des colonies de vacances, etc...) ?
Alors que la banque alimentaire de Marcillac n'a jamais aidé autant de monde, que l'année fut difficile d'un point de vue des relations sociales, n'y avait-il pas plus humain à faire pour recréer du lien que de surveiller l'école et des locaux à poubelles
Pour toutes ces raisons, nous pensons que l'abandon du projet de vidéo-surveillance serait bien raisonnable. Et si les élu-es actuels persistent, nous pensons alors qu'il est nécessaire qu'une consultation citoyenne ait lieu.
Communiqué du Collectif de réflexion citoyenne sur la vidéo-surveillance à Marcillac, composé d'habitants et d'habitantes de Marcillac et du Vallon, soutenu par les associations, syndicats et collectifs suivants :
Les Jeudis en Question, Collectif du Vallon d'information sur les objets connectés et champs électromagnétiques artificiels (Linky/5G), Association La Graine (Le Guingois), Les Ateliers du Geste, Union Syndicale Solidaires Aveyron, MAN – Mouvement pour une Alternative non violente en Aveyron, La France Insoumise Aveyron, EELV Aveyron (Europe Écologie Les Verts Aveyron), PCF section de Rodez, Collectif de réflexion citoyenne sur le photovoltaïque du Causse Comtal, Halte au contrôle numérique.
Contacts : valloncontrecameras@protonmail.com
1 - « Quand les caméras sapent l’éducation », 19/04/2015, Sud Éducation.
2 - « Usages réels et fantasmés d’une technologie moderne », Laboratoire Méditerranéen de Sociologie, CNRS et Aix-Marseille Université, www.hal.archives-ouvertes.fr. Mucchielli est aussi l'auteur de « Vous êtes filmés, enquête sur le bluff de la vidéosurveillance », Colin, 2018.
3 - « La police municipale », octobre 2020, www.ccomptes.fr
4 – « L’organisation et la gestion des forces de sécurité publique », juillet 2011, www.ccomptes.fr
5 - « Vidéo-surveillance, paradigme du technosolutionnisme », blog internet actu, sur www.lemonde.fr, 2/06/18.
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