Résumé : En octobre 2022, nous avons lancé une action civile pour obtenir des soins médicaux appropriés pour mon mari, conformément à la loi du 26 juin 1990 pour la protection des personnes malades. Cependant, le 08/02/2023, bien que sa santé mentale ait influencé son comportement, contre toute attente, il a été placé en détention pour des messages jugés harcelants et menaçants. Le 20/02/2023, un rapport d'expertise psychiatrique a confirmé sa condition médicale et préconisé un traitement urgent, en dehors de la prison. Mon mari n'est pas un criminel, mais il continue de souffrir en détention malgré un an de démarches intensives. Au fil de mes actions, je découvre des vérités inimaginables que je vous partage dans cette lettre ouverte. Il est essentiel de comprendre que la prison ne soigne pas, elle aggrave notre situation. Votre soutien est indispensable pour faire entendre notre détresse et garantir des soins médicaux appropriés à mon mari dans les plus brefs délais. Rejoignez notre pétition pour lutter en faveur de la dignité et des droits fondamentaux.
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Notre pétition vise à sensibiliser le public et à améliorer le sort des personnes souffrant de troubles mentaux, qui sont actuellement internées pour une durée indéterminée (1). Selon les chiffres du SPF Justice, on parle d’environ 4000 personnes en 2022 (2). Cela concerne 886 personnes internées dans des prisons ou des annexes psychiatriques belges au premier semestre 2023, 697 personnes dans les établissements de défenses sociales (EDS), lieux où les soins sont quasiment inexistants, 454 personnes dans les centres de psychiatrie légale de Gand et d'Anvers (CPL) (3). Quelques personnes internées sont prises en charge dans des hôpitaux psychiatriques qui ont conclu des accords avec le ministère de la Justice, d'autres peuvent bénéficier d'une libération à l’essai conditionnée à une amélioration notable de leur situation clinique ainsi qu’à un suivi résidentiel ou ambulatoire.
L'internement (4) est une décision judiciaire qui concerne les personnes qui ont commis une infraction tout en souffrant de troubles mentaux.
Mon mari, architecte, papa formidable de nos 2 enfants est dans le circuit pénal pour avoir envoyé des messages considérés par la justice comme harcelants et menaçants. Il est en détention sans soins depuis février 2023 malgré une expertise psychiatrique encourageante quant à son rétablissement. Alors que l’Organisme Mondiale de la Santé nous informait avant le covid qu’1 Européen sur 4 est touché par des troubles psychiques au cours de sa vie, nous sommes tous potentiellement concernés par l’internement d’un proche.
En 2014, la Belgique avait déjà été condamnée 14 fois (5) par la Cour européenne des droits de l’homme pour les mauvais traitements qu’elle réserve aux internés, considérés comme des traitements inhumains et dégradants. La CEDH considère que l’absence de séparation entre personnes internées et personnes détenues de droit commun, la surpopulation, le nombre insuffisant de personnels et le manque de soins constituent des problèmes structurels. Elle demande la réorganisation du système de soins de santé psychique pour les auteurs d’infractions. Le Comité de prévention contre la torture du Conseil de l’Europe a également dénoncé à plusieurs reprises la situation dans les annexes psychiatriques belges. Malgré les promesses du gouvernement, à ce jour, aucune mesure suffisante n’a été prise par la Belgique pour améliorer la situation (6). En septembre 2023, le Conseil de l’Europe constate que les soins aux personnes internées en Belgique restent inadéquats (7). “L’expérience a clairement démontré le caractère délétère des annexes psychiatriques des prisons sur la santé mentale des personnes internées. De plus, le caractère « provisoire » d’un séjour en annexe, même s’il est voulu par le législateur, a tendance à s'éterniser (8). »
Mon mari aura passé un an en prison à la date de sa prochaine audience fixée en janvier 2024. Cette audience fait appel de la décision d’internement datée du 27/06/2023. Si la justice maintient sa décision d’internement, nous devrons nous attendre à un délai de 6 à 8 mois pour passer devant la chambre de protection sociale (KBM-CPS) qui décidera de son lieu de transfert qui sera soit un EDS, soit un centre de psychiatrie légale (CPL), soit un hôpital psychiatrique, sans définir la durée de l'internement. Si la personne internée se trouve en prison au moment de la décision, comme c’est notre cas, elle y attendra qu’une place se libère dans un de ces lieux de placement qui sont, au même titre que l’ensemble du parc pénitentiaire, saturés en termes de places disponibles. Le délai pour un transfert vers un EDS est d’environ deux ans, alors que la prise en charge médicale au sein des EDS est tout aussi sommaire qu’en prison (9). Pour ne citer que l’EDS de Paifve, en 2018, "seuls 3 psychologues (dont l’un est en 4/5 temps et l’autre mi-temps) et un assistant social sont chargés des 208 internés (10)."
Nous agissons afin que les personnes souffrant d’un trouble psychique sur le territoire belge, en particulier pour des infractions mineures, soient traitées dans un environnement médical approprié hors du milieu carcéral dans les meilleurs délais afin de maximiser leur chance de rétablissement et de réhabilitation sociale et ainsi réduire le traumatisme de cette terrible épreuve.
Voici nos arguments en faveur d'un placement en hôpital psychiatrique avec réduction des délais de procédure.
La Belgique est le 4e pays d’Europe où la surpopulation carcérale est la plus importante. Selon les statistiques pénales annuelles du conseil de l'Europe sur les populations carcérales arrêtées au 31/01/2022 et publiées le 27 juin 2023, sept administrations pénitentiaires européennes ont signalé une densité carcérale de plus de 105 détenus pour 100 places. La Belgique est 3e dans ce classement, avec 115 détenus pour 100 places (18).
Concernant le cas de Gand où mon mari est en détention, les chiffres de 2020 indiquent un taux de surpopulation de 42,5% (population moyenne/jour de 426,2 détenus pour une capacité moyenne de 299 places) (19). Selon le CAW, mon mari partage une cellule conçue pour une personne avec minimum 1 à 2 autres personnes (avec matelas au sol), sans séparation avec les personnes détenues de droit commun, dans un établissement où les drogues circulent. Cette situation est intolérable au regard de ses besoins en termes de soins de santé.
Investir dans des soins psychiatriques adaptés pour tous les internés sera plus rentable à long terme que de maintenir des personnes en prison sans traitement pendant des années.
Nous demandons aux autorités compétentes de :
Nous vous invitons à relayer MASSIVEMENT notre appel à l’action en faveur des soins psychiatriques adéquats pour les personnes souffrant de troubles mentaux en Belgique. Il est impensable que nos enfants soient privés de leur papa pendant 10 ans. C’est pourtant une durée plausible au regard de ce que nous découvrons avec stupeur dans le cadre de la rédaction de cette pétition. D’autres familles, également confrontées à l’incohérence de la justice face à la maladie mentale, nous le confirment malheureusement.
Votre soutien est crucial pour toutes les personnes touchées par cette situation et leurs proches. Merci pour vos signatures.
Pour nous joindre : helene@clartedesprit.com
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(1) Introduit par la loi de 1964, le caractère indéterminé de la mesure d’internement a été conservé dans la loi du 5 mai 2014. La mesure d’internement ne peut être levée que lorsque certaines conditions sont réunies : l’expiration du délai d’épreuve prévu par l’article 42, 1er et la stabilisation du trouble mental permettant d’éviter tout risque de récidive (Art. 66, L. 5 mai 2014 relative à l’internement). Cela crée de l’incertitude sur la durée d’internement que certains auteurs d’infractions préfèrent être reconnus responsables pénalement afin de savoir quelle sera la durée de leur peine .
(3) Capacité d’hébergement dans les établissements de défenses sociales :
Capacité d’hébergement dans les Centres de Psychiatrie Légales pour patients psychiatriques médico-légaux à haut risque:
Des hôpitaux psychiatriques généraux peuvent conclure des accords avec le ministère de la Justice pour accueillir des personnes sous mesure d’internement.
(4) L’internement est une décision de justice qui concerne une personne qui
Un internement ne peut être prononcé que suite à une expertise psychiatrique médico-légale (Article 9, §2, L. du 5 mai 2014 relative à l’internement).
(6) La Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) a condamné la Belgique à plusieurs reprises notamment pour violation de l’article 5, §1, e (droit à la liberté et à la sécurité), souvent doublée d’une violation de l’article 3 (interdiction de traitements inhumains et dégradants), et parfois de l’article 2 (droit à la vie) de la Convention européenne des droits de l’Homme. La Cour européenne a même infligé un arrêt pilote à l’État belge en 2016.
2012 : la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) condamne la Belgique dans l'arrêt L.B. pour le séjour prolongé d’internés dans les services psychiatriques des prisons sans soins appropriés.
2016 : la Cour européenne adopte l’arrêt pilote W.D contre la Belgique alors que les violations des droits humains persistent dans le système d'internement belge. La Belgique dispose d'un délai de deux ans pour réduire le nombre d'internés souffrant de troubles mentaux et ne bénéficiant pas de soins appropriés dans les services psychiatriques des prisons.
2018 : le délai de deux ans expire sans que la situation ait été corrigée. S'ensuivent de nouvelles condamnations de la Belgique.
23 juin 2023 : le gouvernement belge soumet un nouveau plan d'action au Comité des ministres du Conseil de l'Europe, chargé du suivi des condamnations.
Malgré tout, ces dernières années, le FIRM, le CCSP et Unia (en tant que mécanisme de suivi de la Convention de l'ONU relative aux droits des personnes handicapées) constatent qu’il n'y a pas de parcours de soins harmonieux, avec suffisamment d'installations pour offrir aux internés un traitement approprié, et une nouvelle augmentation du nombre de personnes internées placées en prison sans soins appropriés. En 2019, 537 (moyenne par an) personnes internées séjournaient en prison. Pendant les six premiers mois de 2023, leur nombre était de 886.
19 au 21 septembre 2023 : Le Comité des ministres du Conseil de l'Europe a constaté que la Belgique ne fait pas suffisamment de progrès concernant les structures d'accueil pour les personnes internées résidant dans les prisons belges. Il a suivi l'intervention d'Unia, de Institut Fédéral pour la Protection et la Promotion des Droits Humains (FIRM) et du Conseil central de Surveillance pénitentiaire (CCSP)(21).
Si la Belgique ne fait pas de progrès suffisants dans ces domaines d'ici le prochain examen en décembre 2024, le Comité préparera une résolution intérimaire pour imposer des mesures. Unia, FIRM et CTRG ont également demandé une telle résolution intérimaire.
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