Faute de places suffisantes, la mairie de l'Île-Saint-Denis filtre l'accès des élèves à la cantine en fonction de la situation professionnelle des parents. Excédés, certains d'entre eux menacent de porter l'affaire en justice.
Pas de plat adpaté pour les enfants allergiques, impayés, manque de places dans les cantines... En France, beaucoup d'enfants n'ont pas accès aux restaurants scolaires. Bien que contestées et illégales, ces situations perdurent depuis des années. Faute de places suffisantes, la mairie d'Île-Saint-Denis filtre l'accès des élèves à la cantine, aux activités périscolaires et aux centres de loisirs. Dirigée par Michel Bourgain (Europe Ecologie Les Verts), cette commune s'appuie sur un critère précis: priorité est donnée aux parents qui travaillent. Autrement dit, exit les enfants dont les parents sont sans activité et/ou à la recherche d'un emploi. Exaspérés, des parents d'élèves de l'Île-Saint-Denis ont décidé de se mobiliser et ont menacé de porter l'affaire devant le tribunal administratif.
Porte-parole du Collectif «Cantine pour tous», Mathilde Rempert a dénoncé cette «injustice» auprès de L'Express.fr: «si vous vous présentez en mairie pour inscrire votre enfant à la cantine sans bulletin de salaire, on vous renvoie chez vous», raconte la mère de famille. Pourtant, «la cantine est souvent le seul repas équilibré des enfants issus de milieux défavorisés», plaide-t-elle.
En France, un enfant sur cinq vit en-dessous du seuil de pauvreté. Elle admet néanmoins que les parents laissés pour compte peuvent toujours s'adresser à l'adjoint au maire pour défendre leur dossier. En 2014, 140 familles ont ainsi obtenu gain de cause. «Mais les parents les moins éduqués, ou ceux qui ne parlent pas bien le français, n'osent pas faire cette démarche», regrette la mère de famille.
Question budgétaire
Opposée à ces critères de sélection, la Fédération des conseils de parents d'élèves (FCPE) pointe du doigt une autre incohérence: «On pense qu'un chômeur a tout le temps de faire déjeuner ses enfants. Mais ce n'est pas un argument», s'agace son vice-président Jean-Yves Le Niger. «Au contraire, une personne en recherche d'emploi a besoin de temps et de disponibilité pour rencontrer d'éventuels employeurs».
En face, la mairie tente de se défendre: «Nous sommes favorables à l'ouverture de la cantine à tous les enfants, mais nous n'en avons tout simplement pas les moyens financiers, humains, et matériels», répond à L'Express.fr Julien Bonnet, directeur de cabinet du maire (EELV) Michel Bourgain. À ce jour, la moitié des élèves du primaire de la communue vont à la cantine. En accueillir 10% de plus coûterait 167.000 euros de plus par an, selon la mairie. Une situation économique intenable pour la commune qui a vu son budget annuel baisser de 750.000 euros l'année dernière, sur un budget global de 8 millions d'euros.
Une pratique illégale
Ces arguments peinent à convaincre la secrétaire nationale d'EELV. Interrogée sur RTL à ce sujet ce mardi matin, Emmanuelle Cosse s'est montrée critique vis-à-vis des choix faits par le maire écolo. «Je ne le défends absolument pas et il le sait», a-t-elle réagi. «Je pense que les communes doivent toujours accueillir l'ensemble des enfants». Elle reconnaît néanmoins les difficultés financières rencontrées par cette commune, qui compte 70% de logements sociaux. «Ce n'est pas pour autant qu'on va dire aux personnes qui ont le plus besoin de l'Etat qu'elles doivent être mises de côté, poursuit-elle. C'est d'ailleurs pour cela que je pense qu'il est plus utile que [le maire aille] discuter des difficultés de sa commune avec le premier ministre».
L'augmentation du nombre d'élèves déjeunant à la cantine (il y en a deux fois plus aujourd'hui que dans les années 1970) et la baisse des dotations aux communes ont poussé les mairies à mettre en place des critères de sélection à l'entrée des restaurants scolaires. Face aux nombreuses plaintes de familles, Dominique Baudis avait diligenté une enquête nationale et en avait publié les résultats en 2013. Dans ce rapport, il rappelait que l'activité professionnelle des parents ne pouvait légalement conditionner l'accès à la cantine, invoquant plusieurs jurisprudences.
Cette pratique jugée discriminatoire est passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende, avait rappelé le défenseur des droits.
Se basant sur des témoignages de parents, Dominique Baudis avait alors proposé différentes solutions pour palier le manque de places dans certains restaurants scolaires, telles que la mise en place de bus scolaires pour conduire des classes de primaire au réfectoire d'une autre école de la ville. Autre possibilité: l'organisation de deux services, au lieu d'un, pour accueillir tous les élèves.
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