En France, des centaines de milliers d’enfants vivent dans un foyer où sévissent des violences conjugales. Celles qu’ils subissent, celles auxquelles ils assistent. Elles créent des souffrances physiques et psychiques dramatiques.
En 2021, au moins 12 enfants ont été tués dans le cadre des violences conjugales. La même année, Solidarité Femmes a observé une augmentation des maltraitances directes sur les enfants, déclarées par les femmes lors des appels sur la ligne d’écoute nationale 3919 : sur les 21 121 enfants concernés, 36% étaient victimes de violences commises par l’auteur des violences conjugales. 98% des femmes indiquent par ailleurs qu’ils sont exposés aux violences et donc co-victimes.
Tout le monde sait désormais qu’un père violent avec sa conjointe, n’est pas un « bon » père. Pourtant, nombreux sont les enfants qui sont maintenus auprès de l’agresseur, par des décisions incompréhensibles, mettant à mal leur sécurité et celle de leur mère : maintien d’un exercice conjoint de l’autorité parentale, et même résidence alternée, droit de visite et d’hébergement au bénéfice de l’agresseur, etc. Autant de situations qui représentent pourtant un danger important pour les enfants et les parents victimes, principalement les mères protectrices, et qui vont à l’encontre de la prise en compte de leur intérêt supérieur.
Dans la très grande majorité des situations, les femmes sont obligées de donner l’adresse où elles se trouvent avec leurs enfants ou de rencontrer leur agresseur lors de la remise des enfants, ce qui met à mal leur sécurité et les exposent à de nouvelles violences.
Nous, professionnelles en charge de la lutte contre les violences conjugales, appelons le/la législateur/législatrice à se positionner clairement : un conjoint violent ne peut constituer une figure parentale stable et sécurisante pour les enfants qui en sont victimes. Au contraire, il est dévastateur pour ceux-ci.
Il est nécessaire de modifier la loi pour qu’un aménagement du régime de l’autorité parentale soit systématiquement prononcé en cas de violences conjugales et intrafamiliales afin de garantir l’intérêt supérieur des enfants.
Paul, 16 ans, a vu son père tuer sa mère alors qu’il n’en avait que 6. Placé chez ses grands-parents paternels, il vit toujours sous l'autorité parentale de son père. Selon son avocate, les grands-parents "ont pris fait et cause pour leur fils" comme elle le relate pour le magazine "Complément d'enquête" diffusé sur France 2 en octobre 2021.
Pour le Journal L’Union, Florence témoigne de ce qu’il se passe chaque semaine lorsqu’elle doit remettre ses enfants en résidence alternée chez son conjoint condamné pour violences conjugales ; “Et à chaque fois c’était insultes, menaces, violences. »
Depuis plus de trente ans, nous, membres du réseau Solidarité Femmes, accueillons chaque jour ces enfants et leurs mères dans nos centres. Sur tout le territoire français, nous les accompagnons, orientons leurs mères dans leur parcours de combattantes, les hébergeons. Nous suivons l’évolution de leurs histoires de vie, et nous déplorons un système qui prend insuffisamment en compte les violences pour ces femmes et enfants victimes en particulier pendant et après la séparation.
En 2022, nous avons publié des préconisations sur les mesures nécessaires pour protéger les enfants co victimes de violences conjugales.
Il est de notre devoir en tant que société de protéger nos enfants et qu’ils soient en sécurité avec leur mère. Il est intolérable qu’ils et elles subissent les conséquences d’un système qui bénéficie encore trop souvent à l’agresseur.
Le/la législateur et législatrice doivent s’emparer de ce sujet de la plus haute importance pour la sécurité et la protection des femmes et de leurs enfants.
Une proposition de loi pour que les droits des enfants et des victimes de violences conjugales soient mieux protégés est actuellement en cours d’examen : elle introduit des progrès et nous la soutenons, mais lors de son adoption en première lecture à l’Assemblée Nationale et au Sénat, sa portée a été considérablement affaiblie. Elle doit faire l’objet de nouveaux débats à l’Assemblée Nationale.
Nous demandons :- La suspension de l'autorité parentale du parent poursuivi pour violences et son retrait systématique en cas de condamnation. Les situations de violences conjugales doivent être considérées comme des motifs graves justifiant le retrait du droit de visite et d'hébergement.
Dans le cadre des débats parlementaires à venir,
la FNSF recommande notamment d’introduire dans le texte :
- la possibilité de dissimuler les adresses (domicile conjugal, école, ...) en dehors des demandes d'ordonnance de protection, lorsque des faits de violences sont déclarés, avérés ou condamnés ;
- l’exclusion de la résidence alternée dans les situations de violences ;
- la suspension du droit d’hébergement du parent violent ;
- l’interdiction du pseudo « syndrome d’aliénation parentale (SAP) » ;
- le renforcement des dispositifs de soutien et de suivi psychologique pour les enfants, y compris sans l’autorisation de l’agresseur ;
- le soutien financier aux associations pour assurer suivis, accueils et ateliers pour les enfants victimes directes ou co-victimes.
Pour que les femmes victimes et leurs enfants victimes puissent se reconstruire en toute sécurité.Signez cette pétition