L’état d’urgence ne peut s’opposer au recours juridictionnel effectif devant le juge judiciaire !
Dans un article récent, d’avril 2020, Madame BELOUBET, ministre de la Justice, a notamment déclaré :
« (…) Avec l’épidémie de Covid-19, nous avons tous été projetés, collectivement et individuellement, dans une situation inédite. Totalement inédite. Comme si nous entrions tout à coup dans une nouvelle dimension où certains de nos points de repère seraient effacés. C’est en tout cas ce que certains craignent, quand ils s’inquiètent de voir l’Etat de droit mis en quarantaine.
Ces préoccupations sont non seulement légitimes mais également saines, pour autant qu’elles ne relèvent pas d’une logique purement polémique, politique, voire complotiste. Pour légitimes qu’elles soient, elles sont néanmoins infondées. L’Etat de droit n’est pas mis en quarantaine.
Il est vrai que le Gouvernement et le Parlement ont dû prendre des mesures imposant des contraintes sans précédent, qui restreignent certaines de nos libertés quotidiennes les plus précieuses. Les Français comprennent très bien que tel est le prix à payer pour protéger la santé de tous, et d’abord celle des plus faibles. C’est en pesant soigneusement les conséquences de ces mesures, à court et à moyen termes, que nous avons résolu de les mettre en œuvre. Sans gaieté de cœur mais sans états d’âme, avec responsabilité (…). L’Etat de droit passe par le respect des droits fondamentaux sous le contrôle du juge. Rien de cela n’est atteint, n’est remis en cause. Ni en théorie ni en pratique (…).
Si, pour Mme la Ministre le fonctionnement de la Justice est atteint et je m’en tiendrai à quelques remarques pour le démontrer s’agissant du contentieux civil.
Par la circulaire du 14 mars 2020 relative à l'adaptation de l'activité pénale et civile des juridictions aux mesures de prévention et de lutte contre la pandémie COVID-19, vous avez écrit : « (…) s’agissant de l’activité civile des juridictions :
« II. LES CONSÉQUENCES DE LA RÉDUCTION D’ACTIVITÉ EN MATIÈRE CIVILE Ainsi que le précise le plan de continuation d’activité – COVID-19 préparé par la direction des services judiciaires, les missions essentielles à maintenir peuvent, en matière civile, avoir trait à l’activité : - du référé et du traitement des contentieux civils ayant un caractère d’urgence ; - de la protection des personnes vulnérables (…) ».
J’ai visité plusieurs sites de de cours d’appel, dont celui de Paris, qui est conforme à beaucoup d’autres, qui informe le justiciables de la manière qui suit :
Cour d’appel de PARIS accessible à tous les citoyens :
Les tribunaux
Info Coronavirus COVID-19 : le fonctionnement de votre cour et des tribunaux du ressort :
« Face à l’accélération de la propagation du virus Covid 19, le Premier Ministre a annoncé le 14 mars le renforcement des mesures pour éviter le contact entre les personnes qui est le principal facteur de diffusion du virus. Les fermetures que ces mesures impliquent ne doivent pas impacter les services essentiels à la vie de nos concitoyens qui doivent rester ouverts.
Le service public de la justice est évidemment essentiel à la vie de nos concitoyens. Les services d’urgences (pénales et) civiles des juridictions, l’incarcération dans des conditions dignes des détenus ou encore l’accueil des mineurs confiés à la protection judiciaire de la jeunesse doivent pouvoir être maintenus dans un cadre qui prévient la propagation du virus tant à l’égard des personnels que des publics reçus ou pris en charge par les personnels relevant du ministère de la justice.
Les tribunaux du ressort de la cour seront fermés dès aujourd'hui, lundi 16 mars 2020, sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels :
- Les référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence, et les mesures urgentes relevant du juge aux affaires familiales, (le JAF) (notamment immeubles menaçant ruine, éviction conjoint violent) ;
Les services d’accueil du public seront fermés ainsi que les maisons de justice et du droit et les points d’accès au droit. Les agents de ces services ne recevront plus de public. Ils pourront, en revanche, continuer à être joint par téléphone pour répondre aux situations d’urgence.
Afin de limiter vos déplacements, nous vous invitons à prendre contact avec votre tribunal ».
D’autres sites de Cours d’appel sont encore plus restrictifs en la matière :
« Des contentieux prioritaires seront néanmoins traités, à savoir :
« (…) Les référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence (notamment immeubles menaçant ruine) et les mesures urgentes relevant du juge aux affaires familiales (éviction conjoint violent) … »
Pas moins de 4 ordonnances ont été publiées dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire par la Garde des Sceaux,Ministre de la Justice :
- l’ordonnance n° 2020-303 portant adaptation des règles applicables devant les juridictions pénales, (ce n’est pas le sujet que nous traitons, mais il n’ne est pas moins important),
- l’ordonnance n° 2020-304 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété (idem),
- l’ordonnance n° 2020-305 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l’ordre administratif (idem),
- l’ordonnance n° 2020-306 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d’urgence sanitaire et à l’adaptation des procédures pendant cette même période (idem).
- l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adaptation des règles applicables aux juridictions de l'ordre judiciaire statuant en matière non pénale et aux contrats de syndic de copropriété.
Dans son message du 15 mars 2020, la Ministre a indiqué :
« Dès le lundi 16 mars 2020, les plans de continuation d’activité seront actionnés dans l’ensemble des juridictions pour éviter la propagation du virus. Les juridictions seront donc fermées sauf en ce qui concerne le traitement des contentieux essentiels :
- Les audiences correctionnelles pour les mesures de détention provisoire et de contrôle judiciaire ;
- Les audiences de comparution immédiate ;
- Les présentations devant le juge d'instruction et le juge des libertés et de la détention ;
- Les audiences du juge de l’application des peines pour la gestion des urgences ;
- Les audiences du tribunal pour enfants et du juge pour enfant pour la gestion des urgences, notamment pour l’assistance éducative ;
- Les permanences du parquet ;
- Les référés devant le tribunal judiciaire visant l’urgence, et les mesures urgentes relevant du juge aux affaires familiales (notamment immeubles menaçant ruine, éviction conjoint violent), (…) ».
Avec ces dispositions, le recours juridictionnel effectif devant le juge judiciaire civil aux affaires matrimoniales n’est plus respecté. Il s’agit d’un principe fondamental complètement bafoué d’un revers de plume. Il s’agit là d’une atteinte majeure aux droits des citoyens justiciables.
Il s’ensuit que les requêtes présentées sous forme de référé ou en la forme des référés et même les recours ordinaires sont impossibles et suspendus.
Malgré l’emploi de l’adverbe « notamment », par ces décisions unilatérales, la ministre a pris le risque mais aussi encouragé les chefs de juridictions, tribunaux judiciaires et cours d’appel confondus, de limiter plus encore le recours juridictionnel effectif à la justice.
Or, il s’agit, le plus souvent de saisines introduites dans des situations particulièrement sensibles surtout dans le cadre du confinement et en période vacances scolaires.
Il y a 7 jours le Ministre de l’Intérieur indiquait : « Les violences conjugales et familiales ont augmenté depuis le début du confinement lié au coronavirus. Selon le ministère de l'Intérieur, les signalements de faits ont ainsi augmenté de 32% en zone gendarmerie et de 36% dans la zone de la préfecture de police de Paris pendant la première semaine. "Cette tendance se confirme", (Franceinfo Christophe Castaner, ministre de l'Intérieur).
Comment faire mine de s’en étonner ? Ainsi le Gouvernement a rappelé le numéro d’appel à contacter en cas d’atteinte (un rituel avec le Gouvernement…) et a décidé de pénaliser les auteurs présumés de telles infractions, y compris par cette vieille technique de la comparution immédiate, expéditive, tranchante la plupart du temps et inique en ce sens que les faits sont analysés hors contexte du contentieux civil, à la hâte, et sans enquête approfondie.
Cette même Ministre prône le désengorgement des établissements pénitentiaires et « même temps », trouve des « remèdes de nature pénale en la matière, ce qui entraîne de nouvelles mises sous écrou, et, cerise sur le gâteau, a abaissé deux ans à un an les possibilités d’aménager les peines… d’où la libération de plus de 5000 détenus sans véritable analyse de la procédure dite « simplifiée » dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire. C’est le tout et son contraire !
Comment ne pas imaginer qu’en période de confinement et, qui plus est, de vacances scolaires, des tensions n’émergent pas, a fortiori, dans des familles où les parents sont divisés, vivent séparément, bénéficient d’un droit de garde pour l’un et d’un droit de visite pour l’autre ?
C’est la preuve d’une ignorance totale que le juge doit être autant que faire se peut, le régulateur des tensions sociales.
Le JAF peut être confronté à une non représentation d’enfant ou à un changement de la situation des deux parents qui mérite une intervention ou encore à un éloignement géographique volontaire à des centaines de km de l’un des deux parents, en dépit du jugement prononcé et au mépris des droits de l’autre parent. Situation urgente ou non urgente ? La ministre et son cabinet ainsi que les directeurs qui l’entourent ne semblent pas avoir la moindre perception du fonctionnement régulier du service public de la justice et de l’appréhension de l’épaisseur des difficultés humaines.
La note du 23 mars 2020 adressée par la Ministre au personnel de justice ne fait que mettre l’accent sur la simplification des procédures en cette période sanitaire troublée. Mais la simplification n’équivaut pas à gommer les droits des justiciables et ceux des avocats que Pierre TRUCHE appelait les partenaires de Justice.
En plus de cela, quand des fonctionnaires peu avisés (je ne vise nullement les greffiers qui sont des collaborateurs indispensables aux magistrats) compliquent la vie des justiciables en leur faisant observer qu’il manque un acte de naissance de moins de 3 mois de l’un des enfants alors que certaines mairies n’en délivrent plus de puis le confinement, il faut leur opposer la théorie des formalités impossibles telle qu’admise par le Conseil d’Etat et la Cour de Cassation.
Ce parcours « du combattant » exacerbe les esprits les plus calmes !
RÉCLAMONS LE RECOURS JURIDICTIONNEL EFFECTIF IMMEDIAT DEVANT LE JUGE JUDICIAIRE TANT AU CIVIL QU’AU PÉNAL EN PRENANT DES MESURES DE PROTECTION EFFICACES TANT POUR LES FONCTIONNAIRES, GREFFIERS, AVOCATS et JUSTICIABLES.
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