Victoire !
Le préfet était resté insensible aux faits particulièrement atroces, il s’était contenté de répondre froidement que sa décision s’inscrivait dans la lutte nationale contre l’insécurité routière.
Après avoir essuyé de nombreuses critiques Claude d’Harcourt, le préfet de la Loire-Atlantique est finalement revenu sur sa décision.
Il retrouve son permis, retiré alors qu’il allait secourir sa fille malvoyante après un viol
Le juge des référés du tribunal administratif de Nantes (Loire-Atlantique) a refusé de revenir sur la suspension du permis de conduire d’un automobiliste, contrôlé à 161 km/h à Puceul (Loire-Atlantique) le 16 mai dernier, alors qu’il se rendait en urgence au chevet de sa fille malvoyante, violée dans l’institut spécialisé où elle est scolarisée.
Ce Nantais de 52 ans – qui se trouvait ce jour-là au siège de l’une de ses entreprises – avait pourtant mis en avant cet « événement de force majeure » pour solliciter une première fois l’indulgence des gendarmes du Peloton motorisé (PMO) de Nozay qui l’avaient contrôlé à 21 h 25 sur la 2×2 voies Nantes-Rennes, limitée à 110 km/h.
Me Arnaud Bernard, l’avocat de l’automobiliste, souligne :
Les gendarmes étaient divisés quant au comportement à adopter : alors que l’un souhaitait permettre à mon client de retrouver en urgence sa fille, son binôme s’y opposait, prétextant qu’il avait pour unique tâche de constater l’infraction. »
Les gendarmes n’avaient pas non plus raccompagné l’automobiliste jusqu’à l’institut… ce qui l’avait contraint à ne retrouver sa fille que le lendemain soir : l’accès à son internat n’était plus possible passée une certaine heure de la nuit.
Le père de famille avait par la suite déposé un recours gracieux auprès de la préfecture, pour faire annuler la suspension de quatre mois de son permis de conduire : il lui est « indispensable pour poursuivre son activité professionnelle et pour assister sa fille au quotidien ». Il dirige en effet deux autres entreprises en Vendée et dans le Calvados.
Mais « insensible aux faits particulièrement atroces, le préfet s’est contenté de répondre froidement que sa décision s’inscrivait dans « la lutte nationale contre l’insécurité routière« », s’offusque son avocat.
Il a refusé de manière lapidaire de lever la suspension, sans prendre en compte la situation de détressede mon client, éloigné de sa fille et démuni. »
« Le préfet a fait passer, d’une manière tout à fait disproportionnée, les impératifs de sécurité routière avant la considération humaine d’un père apprenant brutalement que sa fille, seule dans l’internat à qui il avait accordé toute sa confiance, a été victime d’un viol », ajoute encore Me Arnaud Bernard. « Il aurait semblé humainement acceptable qu’il retire son arrêté », considère donc l’avocat, d’autant que le viol a été « attesté » par la directrice adjointe de l’institut.
« Une suspension de quatre mois de son permis de conduire est un préjudice grave et démesuré face à ses obligations de dirigeant social », résume donc Me Arnaud Bernard.
Elle nuit irrémédiablement à ses affaires, à sa situation économique et familiale et à sa réputation professionnelle. »
Mais « si le requérant soutient que la décision attaquée porte une atteinte grave et immédiate à sa situation personnelle et professionnelle, cette circonstance n’est pas de nature à caractériser l’urgence (…) eu égard à la gravité de l’infraction (…) commise par l’intéressé », tranche la juge des référés dans son ordonnance, en date du 2 août dernier.
Or, pour voir une procédure de référé-suspension aboutir, un requérant doit réunir deux critères : il doit prouver qu’il existe un « doute sérieux sur la légalité » de la décision attaquée, mais aussi qu’il y a « urgence » à la suspendre.
La légalité de la décision sera donc désormais réexaminée par le même tribunal administratif, mais cette fois-ci par une formation collégiale de trois juges, d’ici douze à dix-huit mois environ.
Si les juges concluaient à une « erreur manifeste d’appréciation » du préfet, ils pourraient condamner l’Etat à dédommager l’automobiliste de ses préjudices.