Monsieur le Président,
80 000 tweets relatant des témoignages d’inceste en 2 jours sur Twitter avec le mouvement #meetooinceste, 2 à 3 enfants par classe victimes de violences sexuelles, 1 français sur 10 victime d’inceste, 9 femmes autistes sur 10 déclarent avoir subi des violences sexuelles et/ou viol dont 47% avant 14 ans, 40% des enfants suivi dans le cadre de l’aide sociale à l’enfance ont subi des violences sexuelles avant ou pendant leur prise en charge, 60% lorsqu’ils sont en foyer (Maison d’enfants à caractère social), 1 femme sur 6 n’a pas consenti à son premier rapport sexuel, un tiers avait moins de 15 ans.
4% des enfants victimes de viols déposent plaintes, 74% de ces plaintes sont classées sans suite 0,3% sont considérées comme des crimes et aboutissement aux Assises, le reste est requalifié comme délit – agressions sexuelles qui ne prennent pas en considération la pénétration.
Entre 3000 et 8000 mineurs victimes de prostitution
1 enfant meurt tous les 4 jours sous les coups de ses parents
41% des Français disent avoir subi du harcèlement dans le cadre scolaire et périscolaire, 52% n’en ont pas parlé
62% des Français ne savent pas quel numéro contacté en cas de violences envers un enfant, 16% des Français connaissent le 119
3 millions d’enfants vivent sous le seuil de pauvreté, 1 sans domicile fixe sur 4 est un ancien enfant de l’aide sociale à l’Enfance
On pourrait multiplier ces chiffres vertigineux et les croiser avec celles de violences faites aux femmes. On s’apercevrait que les chiffres sont quasi-identiques
Avec #MeTooInceste et les dénonciations massives des violences faites aux enfants, nous avons été des milliers à prendre la parole pour révéler l’ampleur de ces crimes odieux qui gangrènent la société. Notre vécu, notre expérience, nous dictent les mesures qui permettraient enfin de protéger les enfants : notamment la reconnaissance de l’inceste et de l’amnésie traumatique, l’imprescriptibilité de ces crimes et un seuil d’âge de non-consentement à 15 ans, ou 18 ans en cas d’inceste.
« C’est aujourd’hui à nous d’agir » : par cet engagement, vous avez donné l’espoir que nos prises de parole ne seraient pas vaines.
Mais si votre gouvernement avait voulu agir, il aurait mis en procédure accélérée l’examen de la proposition de loi d’Isabelle Santiago, adoptée à l’unanimité par l’Assemblée nationale le 18 février, et qui représente une véritable avancée : dès le mois de mars, nous aurions eu une loi claire avec des seuils d’âge bien définis. Au lieu de cela, vous avez choisi de jouer la montre en présentant la proposition de loi Billon, décriée par les victimes et les associations car elle prévoyait un seuil d’âge de non-consentement à 13 ans et rien sur l’inceste.
Si des avancées ont été obtenues dans les textes, à l’Assemblée et au Sénat, avec un seuil d’âge ramené à 15 ans(18 ans en cas d’inceste), ce ne sont que des aménagements de façade. Derrière son titre de « loi pour renforcer la protection des mineurs », ce dispositif fragilise la protection des enfants.
Le garde des Sceaux a défendu la « clause Roméo et Juliette » conditionnant l’application de la loi à un écart d’âge d’au moins cinq ans entre la victime mineure et l’agresseur majeur. Elle ramène le seuil de non-consentement à 13 ans quand les viols sont commis par des majeurs de 18 ans, alors même qu’aujourd’hui le code pénal interdit toute relation sexuelle entre un mineur de moins de 15 ans et un majeur, sous la qualification « d’atteinte sexuelle ». C’est un recul.
Quant à l’inceste, nous ne comprenons pas pourquoi votre gouvernement défend deux définitions de l'inceste, votre Garde des Sceaux mettant en exergue qu'il existerait des "incestes consentis".
Enfin, l’imprescriptibilité que nous demandions n’est plus qu’une prescription glissante. Une avancée toute relative, qui ne reconnaît pas l’amnésie traumatique, dont plus de la moitié des victimes de violences sexuelles pendant l’enfance font état. Ce mécanisme neurologique est pourtant reconnu par l’OMS. Son introduction dans la loi donnerait aux victimes un droit d’accès à une enquête conformément au droit européen. La question de la prescription résonne encore plus aujourd'hui au lendemain des aveux d'Olivier Duhamel, celui dont la révélation des actes commis ont déclenché les mouvement #metooinceste #metooamnesie #metoogay #sciencesporc et bien d'autres. Dans ces aveux Olivier Duhamel reconnait les faits en les minimisant puisqu'il parle de "grosses bêtises" d' "erreur", n'hésitant pas à se cacher derrière la prescription qui lui permet aisément cette disqualification des viols qui lui sont reprochés.
Que reste-t-il de nos témoignages sur les violences sexuelles subies quand nous étions enfants ? Rien : les enfants de 13 à15 ans violés par un jeune majeur seront toujours soumis à des interrogatoires pour apporter les preuves de leur non-consentement. Et ce, alors même que, selon le ministère de l’Intérieur, 50% des auteurs de viols ont moins de 20 ans.
Que reste-t-il de la parole des enfants ? Rien, on la disqualifie en invoquant notamment le fumeux « syndrome d’aliénation parentale ».
Que reste-t-il de notre demande de criminalisation de la prostitution des mineurs ? Un amendement proposait de sanctionner les adultes qui vendent le corps des enfants, dont tant de jeunes de l’aide sociale à l’enfance. A l’arrivée, rien.
Que reste-t-il de la nécessité de protéger les personnes qui effectuent des signalements ? Rien.
Que reste-t-il pour les personnes en situation de handicap mental, quatre fois plus exposées aux violences sexuelles ? Rien.
Que reste-t-il de la souffrance répétée des enfants contraints à fréquenter un parent dont ils ont dénoncé les violences sexuelles ? Toujours rien.
Nous qui avons pris la parole pour que les enfants soient enfin protégés, nous dénonçons une proposition de loi vidée de toute portée.
Nous vous demandons d’agir, dans l’intérêt supérieur de l’enfant.
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