Lettre adressée aux professionnel·les des médias.
Pour une information responsable : l'éthique au cœur des médias
Octobre 2023 aura été marqué par des événements au Proche-Orient qui sont encore dans toutes les mémoires. Pourtant, ces événements ne sont que le spectre d’un contexte vieux de 75 ans. Le conflit israélo-palestinien se joue également sur le terrain de la communication qui accapare et polarise la presse du monde entier.
Dans cette guerre de l’information, les professionnel·les des médias ont la responsabilité de mener une réflexion sur la manière d’aborder les enjeux et les questions relatives à ce conflit qui divise, oppose et cristallise la société dans son ensemble.
Après avoir analysé une série de journaux télévisés, émissions, et articles de presse du champ médiatique français et belge, l'Observatoire Médiatique exprime sa profonde inquiétude concernant le traitement médiatique relatif au conflit israélien-palestinien et aux sujets qui en découlent. En plus d’être témoins d'un traitement médiatique décontextualisé et consciemment ou inconsciemment biaisé, nous assistons également à une escalade de discours incitants à la violence et à la haine.
Nous croyons fermement en la nécessité d'une approche équilibrée, impartiale et objective dans la diffusion de l'information. Or, force est de constater que certaines couvertures médiatiques relative au Proche-Orient ne respectent aucunement la déontologie à laquelle tout journaliste est soumis.
L'Observatoire Médiatique soulève 5 points fondamentaux :
Les récits médiatiques sont majoritairement décontextualisés, or le contexte est essentiel pour permettre une analyse objective et équilibrée.
Sont alors effacés les myriades de facteurs, tels que les colonies israéliennes jugées illégales au regard du droit international, le blocus imposé à la Bande de Gaza considéré comme des crimes contre l'humanité et d'apartheid, et toute une série de crimes israéliens documentés et condamnés par les instances internationales. Ainsi, la chronologie des événements, telle que présentée dans la majorité des médias, débute par l’offensive du Hamas, qui ne s’inscrirait dans aucun contexte, et s’achève par les représailles de l’Etat Israëlien, présenté comme agissant en légitime défense. Ce traitement purement événementiel de l’actualité ne permet pas une compréhension réelle de la situation.
Dans la rhétorique médiatique, il n’est pas rare de voir le conflit être résumé aux communautés juives et musulmanes qui s'opposeraient. En plus de méconnaître les racines profondes de la situation, ces récits médiatiques désinforment l’opinion publique, attisent la division des communautés et menacent le vivre ensemble. Le conflit israélo-palestinien est un conflit colonial, et non une question religieuse qui opposerait juifs et musulmans.
Certains discours médiatiques se font le relais de la propagande associant toute critique d’Israël et de sa politique de colonisation à de l’antisémitisme. À ce sujet, de nombreuses corrélations injustifiées ont été faites avec la communauté musulmane, les jeunes issus des cités et la question de l’immigration dans son ensemble. Ces raccourcis simplistes et cette rhétorique stigmatisante alimentent les discours de haine, nourrissent les actes racistes et participent à sa banalisation. Les médias ne peuvent se rendre complices du jeu de l’extrême droite. Ces discours n’ont pas leur place dans les médias.
Dans la plupart des médias belges et français, la couverture médiatique des deux camps semble manifestement présenter - délibérément ou non - une asymétrie particulièrement frappante. De la remise en question des chiffres en passant par le sujet couvert, les sources palestiniennes semblent systématiquement remises en question. En effet, le temps d’antenne consacré aux victimes israéliennes l’est au détriment des victimes palestiniennes qui ne bénéficient pas du même traitement, du même temps d’antenne, et des mêmes images.
L’asymétrie réside également dans la sémantique. Le choix des termes pour couvrir le conflit israélo-palestinien est un travail d'équilibriste pour les journalistes. Or, il est indéniable que la sémantique varie en fonction du camp couvert: “morts” pour “tués”, “prisonniers” pour “otages”, “mineurs” pour “enfants”. Ce choix délibéré participe à la déshumanisation des victimes palestiniennes et crée au sein de l’opinion publique une distorsion de la perception de la réalité.
Les approches médiatiques manifestant une sympathie prépondérante envers Israël nous poussent à nous interroger sur les fondements d’une « osmose culturelle » avec l’État d’Israël, malgré sa politique de colonisation et ses nombreuses violations du droit international. Le parti pris de certains médias, qui se font le relais de la propagande et de l'armée israélienne, néglige les risques inhérents aux manipulations de l'armée pour servir des intérêts particuliers.
Ces tendances préoccupantes dans les médias ne servent pas de vecteurs de compréhension. Au contraire, elles font d'eux des agents de division, incitant à la haine et privilégiant le sensationnel au détriment de l’information.
En tant qu'Observatoire, nous redoutons les conséquences sérieuses de ces dérives journalistiques qui se manifestent déjà dans notre société, engendrant une méfiance croissante envers certaines populations ou communautés, et, dans le pire des cas, nourrissant l’escalade de tensions et d’actes de violence. Ces tendances sont susceptibles d’être le terreau de l’extrémisme que notre société ne pourra que difficilement endiguer.
Les médias sont garants de l'information vérifiée, et il semble que la paix sociale repose aujourd'hui, plus que jamais, entre les mains du quatrième pouvoir.
Notre appel est une invitation à l'engagement en faveur d'une approche plus nuancée et équilibrée dans le traitement de ces sujets sensibles. Plutôt que d'accentuer les différences, explorons les nuances qui peuvent favoriser la compréhension mutuelle. Encourageons le débat constructif plutôt que de nourrir des discours polarisés.
L'Observatoire Médiatique appelle les médias à être des agents de paix, de compréhension et de vérité. Ensemble, travaillons à construire une société informée, éclairée et résolue à surmonter les défis en cherchant des solutions plutôt que des boucs émissaires.
Soyons les architectes d'un journalisme qui unit plutôt qu'il ne divise, qui éduque plutôt qu'il n'incite à la haine. Le monde que nous construisons aujourd'hui dépend largement de la qualité de l'information que nous partageons.
Avec espoir et engagement,
L'Observatoire Médiatique.
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