Pour qu'il ne soit plus possible d'opposer "agriculture" et "environnement" en notre nom, pour que nos hommes et femmes politiques reconnaissent enfin que toute une partie du monde agricole n'imagine pas travailler autrement que dans le respect du vivant, parce qu'une nature respectée est le fondement d'une agriculture respectueuse des agriculteurs et des consommateurs, pour nos enfants, parce qu'il n'y a pas de futur sans nature, soutenez notre lettre ouverte au Président de la Région AURA (Fabrice Pannekoucke) et à son conseiller spécial (Laurent Wauquiez).
Cette lettre est rédigée en réponse à leur courrier envoyé aux agriculteurs et agricultrices de la région et reçu le 20 février.
Messieurs,
Nous, agricultrices et agriculteurs de la région Auvergne Rhône-Alpes, tenons à vous exprimer notre colère et notre plus vive préoccupation suite à la réception de votre courrier. Avant toute chose, nous tenons à vous faire savoir que nous ne nous reconnaissons aucunement dans le portrait que vous dressez des agriculteur.ices (nous en sommes pourtant bel et bien) et qu’à aucun moment nous ne vous autorisons à tenir ce discours réducteur et clivant en notre nom.
Vous semblez prendre pour acquis que « les agriculteurs » forment un groupe homogène, uniformément positionné contre l’Office Français de la Biodiversité. C’est pourtant loin d’être le cas.
L’Office Français de la Biodiversité est un organisme d’Etat émanant de deux ministères et dédié à la sauvegarde de la biodiversité. Comme indiqué sur le site du Ministère de l’Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire, ses missions sont multiples (développement des connaissances, police de l’environnement et police sanitaire, appui aux politiques publiques de protection de l’eau, gestion des espaces naturels, formation des professionnels et mobilisation citoyenne). Le contrôle du respect des règles environnementales est donc bien une de ses missions et est expressément désignée par le terme de « police », comme pour les autres instances garantes du respect des lois régissant la vie en société. Personne ne remet en question la légitimité des forces de l’ordre (police et gendarmerie) pour effectuer le contrôle du respect de ces lois. Pourquoi serait-ce différent en matière d’environnement ? On supprimerait l’OFB parce qu’il empêcherait les agriculteurs, c’est-à-dire nous, de « travailler et vivre dignement » ? Serait-on au-dessus des lois quand on est agriculteur pour que l’on puisse supprimer les lois et les contrôles que l’on trouve gênants ?
A travers votre discours, vous avez l’air de penser que notre préoccupation première est la peur de se faire contrôler par l’OFB. Nous tenons à vous assurer que nous avons actuellement d’autres préoccupations bien plus importantes et urgentes, à savoir comment parvenir à générer, grâce à notre activité dont vous dites très justement qu’elle « nourrit » le pays, un revenu suffisant pour vivre nous-mêmes. C’est de cette priorité-là que nous vous demandons de faire votre cheval de bataille. Et nous pensons pouvoir affirmer que cette priorité-là est partagée par l’ensemble des agriculteurs. Et c’est à cela que nous vous demandons d’utiliser les fonds publics plutôt qu’à nous proposer une aide juridique en cas de litige avec l’OFB.
Vous nous encouragez également à vous faire remonter « toutes les situations ubuesques que vous rencontrez ». Nous vous informons donc que, à ce jour, la situation la plus ubuesque que nous ayons rencontrée est la réception de ce courrier.
Pour terminer, nous souhaitons vous faire part du fait que votre initiative nous préoccupe bien au-delà de la question des normes environnementales. Que, en tant qu’élus de la République, vous appeliez les citoyens que nous sommes à nous mobiliser contre un organisme d’État nous interroge grandement quant à votre conception de la politique et de la gouvernance.
De plus, donner à croire que les agriculteurs forment un groupe uniforme, utiliser les difficultés auxquelles ils font face et les émotions que celles-ci génèrent pour les opposer à d’autres segments de la société ou de l’État et se positionner comme les seuls à les comprendre et pouvoir les aider relève d’un positionnement populiste auquel nous refusons d’être associés.
Par cette lettre, nous souhaitons réaffirmer la pluralité de la société, tout comme de ses agriculteur.ices, et notre attachement à la démocratie, pluraliste par essence. Nous assurons également l’Office Français de la Biodiversité de notre soutien.
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