Ségolène Royal reproche à Manuel Valls d'avoir autorisé le déversement de résidus, dans le Parc national des Calanques, par une usine, Altéo, qui emploie 400 personnes.
Boues rouges : le difficile arbitrage entre emplois et environnement :
Votre télévision LCD ou la tablette tactile sur laquelle vous lisez cet article ont toutes deux un point commun : ils sont composés d’alumine de spécialité, un produit fini dérivé d’une matière première, la bauxite, principal minerai d’aluminium. Une roche rouge découverte en 1821 dans le sol des Baux-de-Provence et dont elle tirera son nom. Alteo est le premier producteur mondial avec plus de 1 000 tonnes d’alumine exportées chaque jour. Son site d’extraction est situé à Gardanne (Bouches-du-Rhône), ville minière près de Marseille. Le maire communiste a beau être au pouvoir depuis 1977 ce n’est donc pas que pour cela qu’on la nomme la «ville rouge».
Pour extraire l’alumine contenu dans la bauxite, la méthode n’a pas bougé depuis 1893 : dissolution par la soude. Ce procédé chimique engendre des résidus à forte coloration. Les boues rouges, condensées de toxicité : arsenic, mercure, titane, uranium 238. Des résidus pourront continuer à être déversés – pour une période de six ans – dans le Parc national des Calanques, après un arrêté pris mardi par le préfet de la région Provence-Alpes-Côtes-d'Azur. Une décision qui a suscité l'ire de la ministre de l'Ecologie. Dans une déclaration à l'AFP, elle a mis en cause en des termes très explicites Manuel Valls. «L'ordre [d'autoriser, ndlr] est venu du Premier ministre au préfet, direct», a expliqué Ségolène Royal, qui «désapprouve» et dénonce un «chantage à l'emploi».
L’usine, un vivier d’emplois :
Ces déversements ne datent pas d'aujourd'hui. En 1966, une canalisation fut construite pour rejeter ces résidus dans la Méditerranée à 7 kilomètres des côtes de Cassis, au cœur aujourd’hui du Parc national des Calanques. Chaque jour depuis cinquante ans, l’usine rejette plusieurs centaines de tonnes de boues dans la mer et les polémiques environnementales n’ont pas cessé depuis les premières alertes lancées par le biologiste Alain Bompard en 1964. Contre-argument imparable : l’usine est un vivier d’emplois. 400 directs aujourd’hui, près de 1 000 si l’on rajoute la sous-traitance. Non négligeable dans un bassin industriel provençal fragilisé.
Un moratoire sera accordé en 1995 au groupe Pechiney, alors propriétaire de l’usine. Un délai de vingt ans pour que cessent les rejets de boues. Deux décennies plus tard, après une batterie d’expertises divergentes et une autorisation préfectorale renouvelée, les rejets vont continuer sous une autre forme. L’alternative proposée par Alteo ? Un filtre-presse qui permet de séparer les élements solides et liquides. Seuls les effluents liquides sont déversés en mer. «On nous prend pour des imbéciles !» s’élève Béatrice de Crozet, présidente du comité écologique de La Ciotat. «Solide ou liquide, c’est la même toxicité.»
«Chantage à l'emploi» :
Quid des boues rouges solides déshydratées ? Elles seront stockées et serviront de matière première pour des travaux de construction. Dans le jargon on appelle cela l’économie circulaire, qui valorise les déchets : «Ce stockage va être recyclé sans être traité. On se dirige vers un nouveau scandale à l’amiante, poursuit Béatrice de Crozet. C’est du chantage à l’emploi ! Un million de personnes sont concernées par cette pollution. Cinq cent emplois contre un million, ça ne doit pas se négocier !» «La thèse du chantage à l’emploi, c’est le point Godwin. Derrière tu ne peux plus argumenter, répond François-Michel Lambert, député EE-LV des Bouches-du-Rhône, favorable à l’autorisation. La pollution du Parc, c’est essentiellement celle du Rhône et des égouts de Marseille, La Ciotat et Cassis qui ne sont pas traités à 100%. Alteo on se demande si ce n’est pas le chiffon rouge pour masquer les vrais problèmes.»
L’autorisation préfectorale a suivi l’avis favorable du conseil d’administration du Parc national des Calanques qui votait le 8 septembre 2014 en faveur du renouvellement à 30 voix contre 16 : «Cette autorisation, c’est un équilibre pour le territoire, explique Didier Réault, président du Parc. Un peu d’économie, un peu d’écologie, un peu de social. Bien sûr, Alteo n’a pas fait tous les efforts. L’Etat non plus. On peut leur dire "Cassez-vous ailleurs", oui. Mais on a les moyens d’être plus intelligent. Alteo nous aura sur le dos pendant six ans.» Six années pour que l’industriel se mette aux normes européennes. «Cette fois-ci, c’est leur dernière chance» promet l’élu local.
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