Le projet Loop Aix-Marseille ne règle pas la question des transports au sein même des quartiers et arrondissements de Marseille, et ne dessert pas les grands pôles métropolitains que sont Salon-de-Provence, Martigues, Istres, ou encore La Ciotat (et qui concentrent plusieurs dizaines de milliers de déplacements par jour ; voir carte du PDU). D’ailleurs la carte du réseau de Loop semble flotter dans le vide, et on peut légitimement se demander comment les usagers vont se rendre dans une des stations proposées.
Les concepteurs du Loop imaginent la métropole en 20 stations auxquelles les habitants pourraient se rendre aisément, oubliant que plusieurs kilomètres les séparent ces stations. Le raisonnement qui peut prévaloir pour un réseau de métro, desservant un quartier dans un cercle concentrique d’un kilomètre, ne peut pas s’appliquer sur le Loop avec des cercles de 10 kilomètres. En effet, si je dois prendre ma voiture ou attendre un bus 20 minutes qui m’amène de La Ciotat à Aubagne pour prendre l’hyperloop et rejoindre ma destination au Jas de Bouffan (Aix), distant de 3km de la station d’Aix-en-Provence, et donc reprendre un bus ou marcher 30 minutes pour atteindre ma destination, je ne prends tout simplement pas le Loop, à cause des correspondances source d’attente et de fatigue.
Des questions d’aspect pratiques se posent : le projet est avancé comme un système de déplacement à la demande, où un passagers à Plan-de-Campagne pourrait choisir d’aller à la station des Logissons (Venelles) sans changement. Il y a de fortes probabilités que ce passager soit l’unique à rechercher cet itinéraire à cet instant précis. Dès lors, combien de navettes aura-t-il a laisser passer afin de pouvoir embarquer ? Sera-il promené jusqu’aux destinations des passagers déjà présents dans le véhicule avant d’être transporté à son point d’arrivée ? S’il est le seul à désirer aller aux Logissons en cette fin de journée du dimanche, la navette fera-t-elle le trajet jusqu’à Venelles pour ce passager seulement ? Qu’en est-il alors du coût écologique de ce mode de transport si pour des raisons d’adaptation à la demande les navettes sont régulièrement peu occupées ?
Les concepteurs du projet avancent que le réseau aura la capacité de déplacer 6 000 personnes par heure en heure de pointe, ce qui est très peu, quand les déplacements dans le périmètre de la Loop sont de l'ordre de 450 000 par jour, avec certainement en heure de pointe près de 40 000 déplacements par heure. Ainsi ce réseau ne pourrait prendre en charge (si l'efficacité du tracé était démontré et les correspondances avec les autres modes de transport, certainement à financer en sus) que 15% de la demande sur le secteur visé.
-un projet aux nombreuses incohérences (nombre de véhicules en circulation aux heures de pointe, danger d'arrêts aux stations et aux possibilités de croisement)
La capacité du réseau proposé pose également question, car il repose sur l’utilisation de véhicules de faible capacité, d’environ 25 personnes par véhicules. Or les déplacements au sein de la métropole représentent plusieurs centaines de milliers de déplacements par jour. Ainsi entre Marseille et Aix près de 100 000 déplacements par jour étaient recensés en 2017. Si le projet de Loop prétend d’absorber ne serait-ce que 50% de ces trajets, soit 50 000 passagers, il faudrait 2 500 départs de navettes (remplies à 80%), soit 125 navettes par heure (sur 20 heures en tenant compte de la chute nocturne de la demande), ce qui équivaut à environ une navette toutes les 30 secondes. Or le projet devrait également absorber des flux équivalents vers Vitrolles/Marignane et vers Aubagne. Le réseau serait donc très largement saturé, d’autant plus que les navettes seraient probablement bien moins remplies étant donné le concept de destination directe sans changement, qui signifie que ne peuvent-être embarqués que des passagers allant dans la même direction.
Afin de pouvoir absorber théoriquement 50% des déplacements extra communaux couverts par le réseau proposé par Loop, il faudrait environ 200 navettes soient en activité simultanément sur le réseau, ce qui semble impossible dans un réseau de tunnel, même s’il était à double-sens, et même avec le meilleur pilotage par intelligence artificielle au monde. Cela va sans prendre en compte les heures de pointes en début et en fin de journée de travail, où les besoins sont concentrés et décuplés, et ou il faudrait certainement plus d’un millier de navettes simultanées dans le circuit fermé. (calcul navettes théorique: 500 000 déplacements sur le secteur/ 2 [50% de part de marché visée] / 20 [heures quotidiennes de fonctionnement] / 3 [20 minutes temps de réalisation moyen d’un trajet] / 20 [nombre de passagers par navette] = 208 navettes simultanées).
-un projet potentiellement dangereux (nécessité de tunnels de sortie réguliers pour permettre des évacuations en cas d'accidents entre deux véhicules autonomes, non prévus dans le projet)
Les concepteurs répondent à la nécessité d’une capacité passagers importante par des fréquences très importantes. A cet égard, d’énormes questions liées à la sécurité se posent concernant le projet, qui propose jusqu’à une navette toutes les 10 secondes. A la vitesse de pointe visée de 120 à 140km/h, tout incident technique dans ces véhicules autonomes pourrait conduire à des accidents très graves, car le réseau est constitué d’un tunnel qui ne permet pas de se déporter en tout lieu pour éviter l’obstacle, comme c’est le cas sur l’autoroute par exemple.
-un projet au coût pharamineux de 6 milliards d'euros (soit plus que toutes les extensions tram/métro/bus/vélo/train sur la métropole)
Le coût du projet de loop marseillais est alarmant : il est estimé à 6 milliards d’euros. Ces 6 milliards d’euros sont assimilables en la réalisation d’un super métro/ter. Or, sur la vaste métropole Aix-Marseille, la nécessité de la gestion des déplacements du dernier kilomètre, ou même du domicile, du lieu de travail jusqu’aux stations du loop n’est plus à démontrer (étant donné son coût énorme, le projet Loop ne peut proposer qu’un maillage très grossier ; des jonctions de plusieurs dizaines de kilomètres restent à traiter) . Comment un usager de Pertuis se rendra-il jusqu’à la station de Venelles ? Comment un Marseillais des quartiers Nord se rendra-il à la station des Arnavaux ? Le projet ne propose aucune amélioration à ce sujet, qui est pourtant le sujet principal des déplacements sur la métropole. Des parcs de stationnements géants seraient-ils prévus aux stations du Loop ?
L’investissement représenté par le Loop correspond de manière quasi parfaite à l’investissement prévu dans les scénarios étudiés dans le livre blanc des transports de la mission interministérielle de préfiguration de la métropole Aix-Marseille-Provence. Les projets proposés étaient chiffrés à 7 milliards d’euros, mais ils comprenaient bien plus que le simple réseau de tunnel du projet de loop, dont le seul objet est de relier de manière très rapide une vingtaine de stations sur la métropole. Le projet du livre blanc prenait en compte l’intégration de la LGV reliant Marseille à Nice, la modernisation de la ligne TER Aix-Marseille, la réouverture de la ligne Aix-Rognac, la réalisation de centaines de kilomètres de voies en site propre pour un réseau métropolitain de bus rapides, 700M€ pour des projets routiers, et 800M€ pour des projets liés aux modes doux (piétons, vélos). Le maillage proposé est ainsi bien plus adapté au territoire, et un nombre bien supérieur de pôles peuvent voir leur desserte considérablement améliorée.
Le essentiellement a ici toute sa place, car il démontre que ce projet ne pourra se faire sans une impulsion et un investissement public, qui, même s'il n'en représentera pas la majorité, vu le montant total de 6 milliards d'euros, se chiffrera certainement en centaines de millions d'euros. Concernant les partenaires privés, ils obéissent a des stratégies financières et les investissements sont voués à être rentables. Quel serait le prix des tickets de Loop qui permettraient à ce projet de ne pas être déficitaire comme le sont quasiment tous les projets de transports publics en site propre ? La coût pharaonique de l'infrastructure, mais également de la technologie, et de la maintenance conduira forcément à un ticket qui dépassera plusieurs dizaines d'euros (quand le trajet coûte environ 5€ aujourd'hui). A moins que les collectivités ne mettent la main à la poche ?
Conclusion :
Le projet de loop marseillais est un mirage qui promet des trajets à la demande ultra-rapide sans changements, ce qui est impossible avec un réseau en tunnel et des véhicules de 25 passagers, car la demande des trajets à effectuer n’est pas rationnelle et organisée par groupes mais bien individuelle et relativement aléatoire. L’infrastructure proposée coûte bien trop cher, elle monopoliserait la totalité de l’investissement public dans les transports, et elle répond très mal aux problématiques des déplacements sur la métropole, avec un maillage trop diffus, et pas d’amélioration des déplacements urbains dans Marseille, dans Aix-en-Provence, et au sein des communes de la métropole (la majorité des déplacements a lieu au sein même de la commune de résidence). Pour finir, le rêve (si c’en est un) annoncé de relier Marseille à Aix-en-Provence mérite-t-il vraiment des milliards quand le bus/train en site propre peut réaliser le parcours en 25 minutes (ce temps pourrait être encore réduit)?
En bonus, voici deux commentaires intéressant sur le projet :
De loin le projet le plus absurde du monde. Cette techno pour des liaisons interurbaines, c'est aussi adapté et bon marché qu'une ferrari pour livrer des meubles ikea
F. Neff
C'est se tromper de cible que de proposer ce type d'infra comme mode de transport métropolitain. On est plus sur du TGV de luxe que sur du métro en terme d'usage. L'argument principal étant la vitesse (théorique), c'est vraiment contre-intuitif de proposer des trajets courts avec plusieurs arrêts, qui multiplient les phases d'accélération/décélération et font perdre l'avantage de la prise de vitesse. Un Marseille-Paris à 1000 km/h ça peut se justifier (ça se justifierait plus s'il n'y avait déjà pas le TGV), mais un Marseille-Aix avec quatre arrêts intermédiaires, je ne vois pas comment ça peut se substituer efficacement à un métro ou un train régional.
Z.
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