Ces derniers jours ont fleuri les tribunes, articles, communiqués, entre deux publications de journaux de confinement d'intellectuels déconnectés.
Ces derniers mois ont tué nos attentes en toute possibilité de changement social venant des rues.
Ces dernières années ont terni nos espoirs en une fin de vie paisible ou en une vie humaine digne.
L'avenir ne nous annonce que davantage de sacrifices collectifs, de souffrances psychiques et de renoncements.
Nous n'avons plus le temps pour n'être qu'agacés.
Combien de tribunes devrons-nous encore supporter ?
Combien d'errements d'économistes atterrés ?
Combien de caissières sans masque au supermarché ?
Combien de parisiens contamineront l'île de ré ?[1]
Combien d'insultes proférées devant nos télés ?
Combien de litres de rage avalée ?
Moins 34,8% des lits dans les hôpitaux publics entre 1981 et 2011[2].
Moins 15% de lits dans tous les hôpitaux français depuis 15 ans[3].
17 500 lits d'hospitalisation complète fermés ces 5 dernières années, dont 4 172 pour la seule année 2017[4].
Combien de maux prendrons-nous en patience ?
Combien de morts allons-nous concéder ?
Nous ne croyons plus aux modes d'action symbolique.
Nous ne croyons pas dans l'absence de polémique.
Nous connaissons les responsables, nous avons les données.
Confinement total en Chine : 23 janvier, 830 cas confirmés, 24 morts.
Confinement partiel en France : 16 mars, 6 633 cas sévères confirmés, 148 morts.
Capacité moyenne d'un service de réanimation en France : 12 lits.
Nombre de lits en réanimation en France en 2012 : 3 480[5].
Au 22 mars en France : 16 018 cas de COVID-19 confirmés (+ 9 385 en 7 jours), 674 morts (+ 526)[6].
Nous refusons d'être gouvernés par des criminels.
Nous refusons l'absence de perspective et l'illusion guerrière.
Nous exigeons les moyens de nous rediriger.
Le Président de la République, le Premier Ministre et le Gouvernement ont agi de manière irresponsable en incitant consciemment la population à ignorer les dangers liés à la propagation du COVID-19, alors même qu'ils étaient informés et conscients de sa dangerosité[7].
Aujourd'hui leurs mesures de confinement et de soutien économique ne profitent qu'à leur clientèle électorale : cadres, indépendants, entrepreneurs, PME et grands patrons.
Les semaines à venir verront, comme en Italie, l'explosion du nombre de morts, et en particulier chez les plus exposés : personnel soignant et auxiliaires de santé, travailleurs des supermarchés, du bâtiment, des usines, des opérateurs de livraison, des transports, de la poste, employés du secteur tertiaire continuant leurs activités.
Et cela est sans compter les personnes déjà marginalisées et exclues de tout discours politique depuis le début l’épidémie : personnes incarcérées, populations sans-domicile fixe, populations migrantes, travailleuses du sexe, vendeurs et vendeuses ambulants, femmes victimes de violences conjugales, et toute personne déjà vulnérable.
La crise actuelle est la démonstration du caractère meurtrier de la politique de destruction du service public hospitalier entamé depuis plusieurs années. Son ampleur sera la conséquence des choix irresponsables faits depuis janvier. Ce gouvernement et ceux qui l'ont précédé en porteront l'entière responsabilité.
Lorsque l'on dirige un pays ou un gouvernement, que l'on commet une faute grave, que l'on n’est pas à la hauteur de sa responsabilité, que ses choix ont des conséquences catastrophiques prévisibles, on ne se contente pas « d’assumer »[8]. On se retire.
Dès lors, nous demandons que ceux qui nous dirigent aient un dernier sursaut de dignité :
- qu'ils reconnaissent leurs erreurs et les vies actuellement sacrifiées.
- qu'ils mettent toutes les mesures en œuvre pour protéger, non les investisseurs et l'économie, mais les travailleurs et les personnes encore exposés.
- qu'ils s'engagent dès maintenant à la démission une fois la crise passée.
En l'absence d'opposition politique, de levier constitutionnel ou d'espace public et médiatique sur lequel porter cette voix, il nous reste la force du nombre, internet et notre faculté de penser. Il nous reste ces quelques mois pour penser une utopie politique décontaminée.
Nos vies méritent d'être vécues et non aliénées.
Nous exigeons les moyens de nous imaginer.
Nous ne serons pas la masse passive et lucide, trop consciente d'être condamnée.
Nous ne tolérerons plus ce système politique verrouillé.
Nous ne nous tiendrons pas sages.
Nous ne nous ferons pas exécuter.
[1] Le délai laissé entre les premières restrictions (le 12 mars) et le début du confinement (le 17 mars à midi) a entraîné le départ massif des Parisiens, et la diffusion du virus à des régions encore épargnées et souffrant par ailleurs de la désertification médicale.
[2] IRDES, Données de cadrage : L'Hôpital.
[3] Source : DRESS, Les établissements de santé - édition 2019, Juillet 2019.
[4] Source : DRESS, Etudes & Resultats, « En 2018, le nombre de places en hospitalisation à temps partiel progresse à un rythme soutenu », Octobre 2019.
[5] Données :étude de la Fédération de la réanimation. Il s’agit du nombre moyen de lits disponibles dans les 290 services français de réanimation en 2012 (hors les 91 services de réanimation chirurgicale « pure »).
[6] Données : John Hopkins Coronavirus Resource Center.
[7] Les 600 médecins du collectif C19 ont soulevé un argument similaire en dénonçant la mise en danger volontaire de la population par le gouvernement devant la Cour de justice de la République.
[8] Le mot est employé par Edouard Philippe, au Journal Télévisé de France 2, le 17 mars 2020.
Photo : Bertrand GUAY / AFP
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