> > > Adressez ce manifeste au maire de Neuilly/Seine [mr.lemaire@ville-neuillysurseine.fr] et à la députée élue dans la circonscription, Constance Le Grip [constance.legrip@assemblee-nationale.fr].
Partagez-le, le plus largement, à destination des élus et des médias (notamment via les courriers des lecteurs numérisés), ainsi que de vos relations et connaissances susceptibles de soutenir l'expression des convictions républicaines portées par cette interpellation publique et de se mobiliser en faveur de celle-ci.
¤ UNE ADRESSE au sieur FROMENTIN, maire de Neuilly-sur-Seine,
au nom du refus du communautarisme et de la défense de la laïcité
... COMMUNAUTARISME ET DÉNI DE LA LAÏCITÉ : DE QUOI ETRE FRAPPÉ DE SIDÉRATION, POUR AUTANT QU'ON SOIT VRAIMENT RÉPUBLICAIN !
> A NEUILLY-SUR-SEINE, ON A SOUS LES YEUX UN ESPACE PUBLIC ENTIÈREMENT AFFECTÉ A UN USAGE CONFESSIONNEL - autorisation du maire, attribuée pour pas moins de 11 jours consécutifs, à l'appui !
> UNE SIDÉRATION QUI REBONDIT sur une autre, précédente : l'espace public en question a vu, l'an dernier, sa dénomination de "Place Beffroy" changée en celle de "Place Joseph Sitruk, Grand Rabbin de France".
Par une délibération bâclée du conseil municipal, ce dernier étant instrumenté par le maire en place. L'inauguration de la dite place sous sa nouvelle appellation a été "honorée" de la présence d'une ministre de la République en exercice accompagnée du préfet des Hauts-de-Seine ...
Pour avoir été multiplement dénoncée, cette atteinte exemplaire à la laïcité n'a ému aucune des personnalités qui en ont été saisies. Toutes pourtant choisies en tablant sur leur investissement public en faveur des principes républicains.
L'appropriation cultuelle du site public ainsi renommé participe de la communautarisation à caractère religieux du périmètre de rues alentour qui est à l'œuvre depuis des années (par l'effet de la concentration sur ce périmètre de plusieurs lieux de culte de la même religion - dans des configurations de celle-ci des plus traditionalistes voire d'expression identitaire - ainsi que d'écoles confessionnalistes). Que n'écrirait-on pas si cet exposition communautaire était le fait de Français musulmans - hypothèse qui, à l'identique, se désignerait comme radicalement contraire à la conception républicaine de la nation.
La nouvelle appellation qui a été donnée à l'espace public en cause, procédant de la même intention communautariste ou de la même ignorance du corpus républicain, a contrevenu au caractère laïque de notre République qui, depuis la loi de Séparation de 1905, "ne reconnait aucun culte". Une proclamation de la laïcité dans les termes de laquelle, et simultanément, la même République s'est portée garante du libre exercice des cultes ; et grâce à laquelle elle a pu inscrire dans sa Loi fondamentale qu'elle "veille au respect des croyances".
Alors que le débat public s'enflamme - sous les considérations les plus confuses ou les plus ignorantes, voire avec les pires remugles xénophobes et racistes - sur les thématiques du communautarisme et au sujet des fracturations confessionnelles et identitaristes qui en découlent, comment ne pas être sidéré quand les autorités publiques affichent une incohérence de cette ampleur ?
D'un côté, le seul fait de pratiquer la religion musulmane vaudrait d'être ciblé, en tant que suspect potentiel, par la réquisition à la vigilance envers les radicalisations ; de l'autre, des élus en position de fonctionnaires publics, par clientélisme, aveuglement, ou envie d'en découdre avec une république dont ils rejettent le caractère laïque comme ils exècrent les lois qui résultent de celui-ci, accordent toutes les passe-droit à une composante du judaïsme religieux qui n'a pas intégré la conception de la nation qui prévaut depuis la Révolution.
Celle à laquelle ont adhéré les autres attaches au judaïsme, spirituelles ou culturelles, quand celles et ceux qui s'en réclament sont entrés en 1791 dans la citoyenneté française. Ou ont rejoint celle-ci en y fondant leur asile face aux pogroms tsaristes, puis contre les antisémitismes d'Etat qui sévissaient dans l'entre deux guerres en Europe centrale et orientale. Et, enfin, en pensant y placer leur confiance en un refuge quand la monstruosité nazie a commencé à déferler.
Un rappel historique qui vise aussi à placer devant une évidence : est-il une imprudence plus folle que de méconnaître ce qu'un communautarisme confessionnel - surtout s'il est issu d'une confession minoritaire et mal connue - et prétendument identitaire, de par son seul affichage, de par son exposition publique, comporte de risques d'exciter au rejet et au racisme à l'encontre de tout groupe qui donne à imaginer qu'il en a fait le choix et qu’il se tient et tiendra à ce parti.
Ce qui vaut très spécifiquement pour nous, citoyens de religion ou d'origine juive. Pour qui le danger n'est pas d'abord dans cette excitation à l'agressivité, mais déjà simplement dans le réveil des préjugés ou du mépris, si ce n'est de la haine sous toutes ses formes, tue puis déclarée.
> Il suffit pour en prendre conscience d'avoir, "sur site", interrogé les réactions des passants découvrant que la "Place Beffroy" était devenue la "Place Joseph Sitruk". Quel a été leur sentiment en découvrant que cette même place était privatisée, de fait, à des fins cultuelles, et que onze jours durant, le passage par celle-ci leur était interdit par des constructions de baraquements érigés et décorés pour une célébration religieuse ?
> Et comment démentir auprès d'eux l'assertion par laquelle le maire de Neuilly-sur-Seine a dû croire habile de justifier la dévolution d'un espace de sa ville aux rituels attachés à la fête de Soukkot (la Fête juive des Tentes), c'est à dire en mettant en avant que l'autorisation qu'il donnait à cette dévolution - par un simple "avis à la population", certainement bien plus prudent vis à vis de la loi qu'un arrêté municipal voué à annulation - avait " la communauté juive" comme bénéficiaire.
Un démenti aussi peu commode à diffuser - avec toute la publicité qu'il requerrait -, que son énoncé est clair, précis et catégorique : il n'existe pas, il ne saurait exister, de "communauté juive’’ à Neuilly-sur-Seine - pas plus qu'ailleurs sur tout le territoire de la République française.
Tout au plus des citoyens français dont le patronyme - et encore serait-ce là un indice des plus fragiles compte tenu de la diversité des patronymes choisis sous Napoléon 1er par les juifs citoyens français d'alors - est susceptible d'évoquer une ascendance familiale possiblement, et plus ou moins lointainement, "apparentée" au judaïsme. A l'instar des Goncalvès qui, pareillement devenus citoyens de notre république, laissent supposer au généalogiste que leur famille a eu naguère quelque chose à voir, de façon plus ou moins floue, avec le Portugal ...
Et si ce démenti avait besoin d'un fait valant réfutation additionnelle, on signalera que si certains juifs religieux ont, pour leur propre obédience, sollicité du maire de Neuilly-sur-Seine, et obtenu illégalement de ce dernier, l'implantation et l'édification de "leur" Souccah (Tente) sur le domaine public confisqué à cette fin, les autres groupes de juifs pratiquants de la Ville ont installé la leur, et donc organisé leurs célébrations liées à la fête de Soukkot, dans des lieux et espaces à caractère privatif - comme il se doit tout naturellement s'agissant de rites et de manifestations cultuelles.
Oui, décidément, il est plus que temps de rappeler, et spécialement au regard des formes spécifiques qui ont présidé à notre constitution comme nation, qu'hors la laïcité de la chose publique, qu'hors la conviction fédératrice qui ne voit en France "qu'une seule communauté, la nation" *, ni la paix civile, ni aucun contrat social ne peuvent tenir. Le pacte républicain bafoué, la République cessant d'être "une et indivisible", que nous reste-il des conditions de la démocratie ?
Didier LEVY – 20 octobre 2019
* il n'est pas inutile de noter que le référent de cette citation était un éminent rabbin.
¤ LETTRE OUVERTE À M. LE MAIRE DE NEUILLY SUR SEINE :
EN FRANCE, IL N’Y A QU’UNE COMMUNAUTÉ, LA NATION.
Monsieur le maire,
Vous venez d'affecter, pour pas moins de 11 jours consécutifs, une place de notre ville à une manifestation cultuelle de juifs religieux, au bénéfice de laquelle l’emprise concernée s’est trouvée de fait privatisée à des fins strictement confessionnelles.
Au motif de la fête de Soukkot, cet espace public a ainsi été quasi entièrement occupé par des constructions en bois dédiées à cette célébration religieuse et décorées comme tels, et plus particulièrement destinées à recevoir la figuration (Soukka) des Tentes auxquelles cette fête est dédiée.
Des constructions qui, de plus, ont rendu impossible la circulation des piétons au travers de la place, puisque, au milieu de celle-ci, les dits piétons se heurtaient à ces édifices dont l’implantation interdisait leur passage.
L’appropriation d'un site public pour des cérémonies et festivités confessionnelles est en contradiction flagrante avec la laïcité proclamée de la République.
Qu’un maire, fonctionnaire public au titre du mandat qu’il exerce dans la République, puisse l’ignorer ou la méconnaître, emporte en soi rien moins qu’une invalidation civique.
Une invalidation que motive cette LETTRE OUVERTE que je vous adresse. Et que je publierai sur les écrans numériques aussi longtemps, et aussi répétitivement, qu’il le faudra pour qu’un courant républicain suffisamment nombreux partage mon interpellation à votre encontre.
Vous venez, à votre façon, d’expliquer cette appropriation de l’espace public en faisant afficher une sorte d’avis à la population [1] qui indique, sous votre signature, que vous l’avez autorisée pour une fête de la « communauté juive ».
La prétendue ‘’communauté’’ à laquelle vous vous êtes référé, appelle deux réfutations.
La première, purement factuelle, renvoie à ce que l’installation de l’agencement religieux en cause s’est exposée sous l’égide du centre Loubavitch voisin de la place publique que vous lui avez affectée.
Ce sont donc certains juifs religieux qui, pour leur propre obédience – bien sûr parfaitement estimable mais investie d’une personnalité spirituelle très spécifique - ont sollicité du maire de Neuilly-sur-Seine, et obtenu illégalement de ce dernier, l'implantation et l'édification de "leur Souccah’’ sur le domaine public confisqué à cette fin.
Pour leur part, et à ce qui s’est vu ou su , les autres affiliations spirituelles et de sensibilité culturelle auxquels se rattachent respectivement les juifs pratiquants de la Ville, ont organisé leurs célébrations liées à la fête de Soukkot, dressage et aménagement de la Souccah inclus, dans des lieux et espaces à caractère privatif destinés ou ajustés à cet usage - comme il se doit tout naturellement s'agissant de rites et de manifestations cultuelles.
En particulier, les nombreux juifs pratiquants qui sont de longue date attachés au lieu de prière de la rue Garnier, sis à guère plus de deux centaines de mètres de la même place publique, ont fait ré-ouvrir durant la fête de Soukkot les emprises de celui-ci fermées en vue de travaux depuis plusieurs mois, pour y disposer leur propre Souccah.
La ‘’communauté’’ que vous avez dû croire habile de mettre en avant a assurément fait des choix pour le moins divers quant aux modalités cultuelles afférentes à la fête de Soukkot, et a par conséquent manifesté une diversité de conduite sociale fort peu … communautaire.
La seconde réfutation est d’une portée sans commune mesure avec l’objection qui vise votre approximation ci-dessus rectifiée.
Elle vous oppose qu’il n’y a pas, qu’il ne saurait y avoir de ‘’communauté juive’’.
Un démenti adossé à la citation dont j’ai fait le titre de cette LETTRE OUVERTE et que j’ai empruntée, avec la satisfaction que vous pouvez imaginer, à un très éminent rabbin : oui, ‘’en France, il n’y a qu’une communauté, la nation’’.
Pour tous les juifs qui sont entrés dans la citoyenneté française avec la Révolution, le contrat a été posé par le discours de Clermont-Tonnerre prononcé à l’Assemblée constituante le 23 décembre 1789 : « Il faut tout refuser aux Juifs comme nation ; il faut tout leur accorder comme individus ; il faut qu’ils soient citoyens ».
Un discours où s’est exprimée la conception française de la Nation. Une conception que la République a fait sienne et dont elle n’a jamais rien retiré.
Son principe était clair : tous les individus, quelle que soit leur religion, sont des citoyens égaux, mais rien ne doit faire écran entre les individus et la Nation - aucune ‘’nation particulière’’ ne peut se constituer au sein de la ‘’’grande Nation’’. Rien ne saurait justifier une exclusion des Juifs de la citoyenneté, et ceux-ci doivent avoir tous les droits en tant qu’individus, mais aucun droit particulier en tant que fidèles d’une religion.
En un moment où le débat public agite ses passions, dont les pires, sur le sujet du communautarisme, et sur toutes les questions connexes qu’on convoque à plus ou moins bon ou à très mauvais escient, rien n’est plus mal venu, rien n’est plus imprudent et plus irresponsable que de s’écarter du principe qui, précisément, fait barrage aux fracturations communautaristes. Qui construit ce barrage aux revendications et aux prétentions identitaires avec ses deux piliers que sont l’égalité et la laïcité.
C’est à travers la conception unitaire de la Nation que les juifs du royaume sont entrés en 1791 dans la citoyenneté française. C’est à la conception républicaine de la citoyenneté qu’ont adhéré les juifs qui, fuyant les pogroms tsaristes, sont venus, notamment de Russie et de Pologne, trouver refuge en France à la fin du XIX ème siècle et au début du XX ème (qu’on relise ‘’Les Eaux Mêlées’’ de Roger Ikor). Et après eux, ceux qui ont cherché asile dans cette citoyenneté contre les antisémitismes d’Etat, soutenus par les pulsions des haines populaires, qui sévissaient entre les deux guerres mondiales en Europe centrale et orientale - et, enfin, ceux qui ont pensé pouvoir mettre en elle leur confiance quand la monstruosité du nazisme a commencé à déferler, submergeant l’Allemagne et ses annexions.
J’ajoute à ce rappel historique que la branche paternelle de ma famille est issue des juifs d’Alsace, et que l’obtention de la citoyenneté a été pour elle le point de départ d’un processus assimilationniste résolument et rapidement conduit à son plein achèvement. Une citoyenneté qu’elle a revendiquée en son intégralité, et une intégration qu’elle a déclarée, pour sa plus forte expression publique, par son patriotisme et son attachement à la nation : c’est ainsi que notre ancêtre le mieux connu de l’époque révolutionnaire fut volontaire à l’Armée du Rhin – comptant ainsi parmi ces ‘’Soldats de l’An II’’ glorifiés par Victor Hugo -, et que la génération postérieure des commencements de la IIIème République quitta - sans exception - l’Alsace quand celle-ci devint allemande en 1871 afin de demeurer française.
Dans cet éclairage personnel de mon interpellation à votre endroit, monsieur le maire, je souligne que la caractérisation communautaire que vous encouragez aurait sidéré les membres de ma lignée paternelle à la génération de mon père – s’entend ceux qui avaient réchappé au génocide hitlérien (des survivants qui se comptaient, à peu de chose près, au seul nombre de ceux qui avaient suffisamment tôt cessé de croire que le maréchal Pétain protégerait ‘’les juifs de France’’ et, pour les hommes, que sa protection vaudrait tout spécialement et immanquablement, pour les juifs anciens combattants qu’ils étaient …).
Je suis bien certain que sans même qu’il leur fût imaginable qu’ils pussent être confrontés, comme c’est le cas dans notre ville, à une célébration cultuelle organisée dans un espace public par des juifs religieux - et, symétriquement, à la concession par un maire du dit espace à cette célébration -, ils eussent été effarés de voir se concentrer sur une partie d’un quartier d’une ville française l’affichage d’un communautarisme confessionnel émanant de coreligionnaires ou ex-coreligionnaires. Déjà, le seul port de la kippa - pour protégé qu’il soit par notre laïcité, à l’instar de celui du voile, en vertu du respect constitutionnellement dû aux croyances – pratiqué à l’extérieur des synagogues (qu’ils désignaient au demeurant sous leur appellation napoléonienne de « temple ») leur eût semblé inconcevable, et d’autant plus, sans doute, qu’eux-mêmes avaient été soumis, pendant l’Occupation, à l’identification publique signifiée par la sinistre étoile jaune.
Resserrant la présente LETTRE OUVERTE, le manifeste que j’ai publié et que je vais continuer à publier sur les ‘’réseaux sociaux’’, fait une large place aux mises en garde que requiert ce communautarisme que vous avez laissé se développer en le laissant confondre de surcroît avec une revendication identitaire. Un développement de plus en plus visible au fil des ans sur le périmètre des rues concernées - par la concentration correspondante de lieux de cultes, d'écoles mono confessionnelles et, en quelque sorte par voie de conséquence, de commerces en lien avec la pratique religieuse.
Comment ne pas rappeler à ce sujet que l’espace public dont vous avez permis l’appropriation cultuelle pour la fête de Soukkot a vu son nom d'origine - "Place Beffroy" - être changé l'an dernier en celui de "Place Joseph Sitruk, Grand Rabbin de France". Votre proposition en ce sens ayant été approuvée – sans vote et très tardivement - par le conseil municipal.
Une violation flagrante de la législation qui a établi le caractère laïque de la République. Une violation perpétrée dans des conditions qui l’ont rendue encore plus insigne, puisque l'inauguration de la place en cause, sous sa nouvelle dénomination, s'est faite en présence d'une ministre de la République en exercice accompagnée du préfet des Hauts-de-Seine (!).
Pour qui aurait, en son jeune temps, "séché" les cours d'histoire, ce rappel très élémentaire : tout justifie assurément qu'on attribue le nom de l'abbé Pierre à une rue ou autre voie ou emplacement publics, au regard de l'action sociale et humaine et des combats politiques correspondants que celui-ci a menés sa vie durant. Les principes et les règles qui entourent la séparation de l'Etat républicain d'avec les cultes, excluent en revanche qu'on puisse donner, par exemple, au parvis de Notre-Dame l'appellation de "Place du cardinal Lustiger".
En complétant le dit rappel de cet extrait de mon intervention auprès du préfet des Hauts-de-Seine, par ma LRAR du 20 juin 2018 dont vous vous fûtes destinataire en copie, qui explicitait les raisons que la législation républicaine relative à la laïcité vous opposait :
‘’ (En infirmant votre décision) de donner à la place en cause le nom de Joseph Sitruk, eu égard au fait que celui-ci n’est cité dans cette distinction qu’au seul titre de ses mandats successifs de Grand Rabbin de France.
‘’Ce qu’expose, mot pour mot, la plaque à son nom apposée en l'ex-place Beffroy. Consacrant de la part de la mairie de Neuilly-sur-Seine une reconnaissance publique d’un mérite attaché à l’exercice de fonctions et de dignités strictement confessionnelles. Cette reconnaissance contredit manifestement l’intention de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 qui a posé que « La République ne reconnaît, (…) aucun culte ».
‘’Et elle incite de surcroît à tenir qu’est constitué en l’espèce un manquement aux dispositions de l‘article 28 de la même loi aux termes desquelles « Il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions »’’.
Tout en vous renvoyant aux autres considérations que j’avais traitées, je tiens à citer de nouveau les deux dénominations substitutives dont j’avais signalé qu’il serait convenable de les retenir si l’on voulait que l’appellation de la ci-devant place Beffroy comportât une connotation de reconnaissance et d’hommage :
c'est-à-dire, respectivement, « PLACE DE L’ABBÉ GRÉGOIRE » et « PLACE DE L'HOMMAGE DE LA NATION AUX JUSTES DE FRANCE [2] ».
Cette LETTRE OUVERTE n’a pas imaginé qu’à sa lecture, vous pourriez réformer des décisions, ou revenir sur des soutiens, qui sont en contradiction avec la laïcité et la conception de la nation dont la République se réclame. Outre que vous n’êtes pas connu pour votre disposition à une discussion participative des partis que vous avez pris, les conséquences des unes et des autres sur lesquelles, en tant que maire, votre attention est appelée, ne semblent pas pouvoir se frayer le chemin d’une écoute dans des idées ou vues du type de celles que vous publiez.
L’enjeu est de faire le plus largement partager dans l’opinion de nos concitoyens la récusation des acteurs publics qui par clientélisme électoral, par désintéressement ou abandon des principes républicains, ou encore par inclination ou engagement personnel anti-laïque, concourent à la fortification et à l’expansion de communautarismes confessionnalistes à revendication identitaire.
Cette opinion, pour sa partie la mieux informée, pour ses composantes non réceptives aux fantasmes et exemptes de toute dérive raciste, prend la mesure de l’entreprise de communautarisation religieuse qui vise a minima à enfermer les populations musulmanes d’Europe dans un séparatisme cultuel et culturel, avec le dessein de les différencier, sinon de les ‘’différencialiser’’, en autant d’entités que le fondamentalisme aura rendu imparablement distinctives au sein des sociétés dont elles font partie.
Toute exposition communautaire confessionnelle, quelle que soit la sensibilité spirituelle mise en avant, risque en conséquence - en sus de tous les dangers qu’intrinsèquement elle comporte (le manifeste ci-attaché y revient) - de se trouver regardée sur un nouvel arrière-plan de rejet et d’hostilité : celui que fait grandir la propagation des prônes issus du friérisme ou du salafisme quiétiste.
Et en particulier celle que vous soutenez dans notre ville : une exposition qui produite de la part de musulmans pratiquants, et serait-elle de la moitié ou même du quart, y soulèverait les critiques et les oppositions les plus vives, et provoquerait mouvements d’indignation et de colère, voire de pires réactions.
En vous assurant, monsieur le maire, de ma considération citoyenne la plus affirmée envers la fonction que vous exercez, et en vous priant de recevoir l’expression de mes salutations très civiles, je conclurai la présente lettre par une observation qui, sans appartenir strictement au champ politique et municipal sur lequel je vous ai interpellé, s’y rattache avec, à mon sens, une importance sociétale extrême. En ce qu’elle fait de laïcité et de prudence des synonymes.
Et qui tient en ceci : la civilité républicaine exige le respect d'une discrétion justement raisonnée quant à l'affichage de la croyance, ou de la non croyance, à laquelle on adhère. De même que la laïcité garantit le principe constitutionnel qui veut que la République veille au respect des croyances et autres convictions, de même l'auto régulation, d'abord par simple politesse citoyenne et civique, de ce qui est susceptible de se poser en ostentation confessionnelle, constitue dans la sphère civile la première pierre de la tolérance. Et partant de la paix civile - si fragile face au fait religieux quand celui-ci est encouragé à fragmenter la nation.
Méconnaître à la fois cette civilité et ce péril - par ignorance ou par aveuglement – conduit toujours à raviver les préjugés, les rejets et les haines indurées.
Didier LEVY – 21 octobre 2019
[1] Procéder sous la forme d’un simple avis, et non par la publication d’un arrêté municipal, relevait d’une prudence bien réfléchie : il est peu de doute sur le fait que la juridiction administrative aurait annulé un acte aussi manifestement contraire au respect de la laïcité en lequel vous avez l’obligation de vous tenir dans vos fonctions de maire. Une annulation sans doute indésirable à l’approche des prochaines élections municipales.
[2] Cf. le texte de l’inscription inaugurée dans la crypte du Panthéon, le 18 janvier 2007, par Jacques Chirac, Président de la République, et Simone Veil, présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
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