Madame Annick Girardin, Ministre des Outre-Mer, Monsieur Edouard Philippe, Premier Ministre, Monsieur Emmanuel le Président de la République,
Dès la mobilisation « gilet jaune » enclenchée le samedi 17 Novembre 2018, des revendications profondes ont été exprimées au niveau des différents points de blocage.
Vous trouverez ci-dessous en synthèse les principales :
L’augmentation des taxes sur les carburants intervient alors même que des baisses d’impôts sont consenties aux plus riches (suppression de l’ISF et de la flat tax notamment) par votre gouvernement qui par ailleurs ne fournit aucun effort notable pour lutter efficacement contre la fraude fiscale (qui nous coûte à nous, contribuables, près de 80 milliards d’euros par an). La hausse des prix sur les carburants va s’appliquer au plus grand nombre et le plus durement aux classes moyennes et populaires qui n’ont pas d’alternative à la voiture individuelle.
Sans compter qu’à la Réunion le développement de la voiture électrique n’a aucun sens tant que l’électricité reste majoritairement produite à partir de fuel et de charbon. Par ailleurs cette hausse vient s’additionner à des hausses régulières du coût de l’énergie et de l’ensemble des charges fixes des réunionnais (électricité, gaz, eau, loyers…). Les réunionnais et plus généralement le peuple français subit cette situation comme une profonde injustice.
C’est la raison pour laquelle nous exigeons :
La vie est trop chère à la Réunion. Malgré les 6 % de différence de niveau de prix annoncés par l’INSEE, pour beaucoup de produits couramment consommés et de première nécessité (alimentaire mais également équipements, voitures, matériaux...) la différence de prix est exorbitante, de l’ordre de 30 à 60% jusqu’à plus de 150% pour d’autres... Et ce alors même que les revenus des réunionnais sont globalement plus faibles qu’en métropole et le taux de pauvreté sans commune mesure.
Il faut que les réunionnais puissent vivre décemment, c’est la raison pour laquelle nous exigeons :
La cherté de la vie est notamment liée à des situations de monopole et d’oligopole dans un contexte de marché captif. L’entente entre les entreprises et la concentration dans les mains de quelques entrepreneurs ou familles d’entrepreneurs de tous les grands secteurs de l’économie (grande distribution, concession automobile, matériaux de construction, télécommunication, agriculture, etc.) conduit à des pratiques abusives en terme de marges et de prix. Il faut que l’État intervienne en urgence pour faire cesser cette situation :
Le prix du foncier à la Réunion est extrêmement élevé, de 150 à 300€ / m² en moyenne montant jusqu’à 600€/m² dans certaines villes, là encore l’Etat doit intervenir pour réguler l’envolée des prix car en plus d’avoir anormalement enrichi certains propriétaires, cette situation exclut une majorité de réunionnais de tout projet d’investissement et d’accession. Il faut faire cesser cette situation de rente qui tend à réserver la propriété foncière à une élite ou à des investisseurs étrangers. :
Des jeunes de la Réunion sont diplômés par milliers tous les ans (bac et post bac), et malgré les efforts qui sont entrepris, la grande la majorité des postes d’encadrement sont occupés par des personnes issues de la France métropolitaine. S’il est vrai que nous sommes en France, alors les personnes ayant grandi et vécu à la Réunion doivent être considérées comme Français dans les critères de recrutement et ne doivent plus être discriminées. Il y a le sentiment que les recrutements se font systématiquement par un phénomène de « réseau », « entre-soi », sur-valorisant les compétences externes, pendant que des réunionnais sont obligés de quitter leur île natale pour travailler partout dans le monde :
Alors même que des cadeaux fiscaux sans fondement économique sont consentis aux multinationales à travers le CICE et autres système d’exonérations, les Artisans, PME, PMI, indépendants sont eux redevables pleinement de charges qui pèsent sur leur activité. Les pratiques en terme de marché public tendent à réduire sans cesse les marges des entreprises locales (critère prépondérant du moins disant) au détriment de la qualité de service et à ne pas privilégier les entreprises locales, alors même que leur impact sur l’emploi local et leur empreinte écologique est nettement favorable à notre territoire.
Cette inégalité de traitement n’est plus acceptable, c’est la raison pour laquelle nous demandons :
Le pouvoir politique à la Réunion connaît un désaveu de la population : les taux d’abstention sont record, la corruption est largement répandue, comme le révèle le classement en la matière de la Réunion réalisé par l'ONG Transparency France. La population a le sentiment profond que les élus de la Réunion se désintéressent de l’intérêt général et œuvrent en faveur de leurs propres intérêts personnels, familiaux et de l’intérêt privé de quelques privilégiés.
Il faut rétablir la confiance :
Enfin, et c’est un point primordial, l’écologie devrait être centrale dans les politiques publiques et la vision de l’avenir de la Réunion et du pays. Ça n’est pas le cas. Quelle transition écologique quand il s’agit de relancer les importations d’huile de palme, de prolonger la durée de vie du glyphosate, d’assouplir la loi littoral, de lancer des projets destructeurs d’orpaillage en Guyane et localement quand on autorise l’ouverture de carrières sur le littoral ou dans des espaces remarquables, ou que l’on réalise une digue monumentale en mer ? Il y a une profonde hypocrisie entre le discours et les décisions prises, que ce soit au niveau local ou national, qui ne dupe plus les réunionnais. La transition énergétique mais aussi agricole (vers une diversification qui permettrait d’assurer tant la qualité que la sécurité alimentaire de la population) doit être centrale dans le projet réunionnais. Le tout béton et le tout voiture n’ont plus de sens et des alternatives existent, si tant est que la volonté politique soit au rendez-vous. Nous appelons donc à :
Voici donc une synthèse des principaux points que nous avons pu relever à travers les témoignages recueillis au niveau des différents barrages tenus par les « gilets jaunes » .
Ces revendications ne datent pas d’hier, elles sont pour la plupart connues, anciennes, presque évidentes et pourtant les disparités, l’injustice, la corruption perdurent et les solutions ne sont pas appliquées.
La mobilisation des « gilets jaunes », purement citoyenne, n’a d’autre but que de faire entendre la voix du peuple étouffée trop longtemps par les institutions, les élus et les médias en place.
Nous souhaitons une réelle justice fiscale et sociale, une véritable continuité territoriale, et une transition écologique efficace et populaire. C’est le sens de notre engagement sans faille.
Les réunionnais n’ont pas besoin de « baguette magique », ils ont besoins de courage politique. Si vous n’en n’avez pas, démissionnez.
Dans l’attente de vos réponses,
Salutations.
Les « gilets jaunes » de la Réunion.
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