À Paris, le 19 juillet 2022
L’association Team Taxi
Lettre ouverte aux citoyens de la République
Pour une république exemplaire :
Pour donner suite au scandale UBERFILES, Team Taxi réclame une demande d’enquête parlementaire au niveau national et au niveau européen sur les relations entre les plateformes numériques du transport de passager à la demande et les institutions de la République et de l’Union Européenne.
Avant toute chose, nous souhaitons que nos doléances ne soient pas étudiées sous un prisme politique, économique ou corporatiste, mais dans le cadre du respect de l’intégrité de nos institutions démocratiques. Notre association Team Taxi est apolitique, uniquement composée de chauffeurs de taxi sur le terrain, ayant pour principe un esprit de démocratie participative.
Nous demandons à chacun d’entre vous, d’appuyer cet appel auprès des parlementaires nationaux et européens à agir conformément à leur rôle de contrôle des actions de l’exécutif pour ces atteintes répétées à l’Etat de droit, valeur européenne fondamentale, la sécurité publique, ainsi qu’à la liberté, à l’activité et aux droits des chauffeurs de taxi.
Nous rappelons que le taxi a contribué à l’Histoire de France. Il en a partagé les joies (coupe du monde 1998 ou 2018) et les souffrances (taxis de la Marne, terrorisme, covid19 : les chauffeurs ont mis leur vie en péril pour aider les gens à se déplacer). Il est un marqueur fort, et une boussole dans l’identité de ce pays. Et toute sa réglementation s’est construite pour protéger l’usager et le chauffeur.
L’uberisation comme bulldozer antidémocratique
Le taxi est à l’avant-garde de ce combat contre l’uberisation. Cette idéologie numérique mortifère, sous couvert de progrès technologiques, est portée par de grandes transnationales, avides de gains financiers. Elles utilisent des méthodes brutales pour piller les richesses produites par l’économie réelle. Cette mécanique, révélée en partie dans le scandale UBERFILES, cherche à broyer le cadre législatif et réglementaire existant dans le but d'arriver à une situation de monopole et de subordination des acteurs du secteur convoité. Elles veulent, par le fait accompli, changer les règles de droit en règle du jeu.
Ce poison a touché le cœur de l’Administration publique. Les politiques publiques sont de plus en plus conduites par une technocratie d’Etat, abandonnant sa mission de service public, pour entrer dangereusement dans un capitalisme de « connivence ». L’appareil d’Etat devient alors un cachet légitimant la volonté des puissances financières de « plateformiser » chaque secteur d’activité afin d’étendre et verrouiller son contrôle sur la production économique du pays. Le taxi n’étant qu’un maillon de cette expérimentation par le chaos, il lui revient de sonner la tirette d’alarme démocratique.
Le monde « désenchanté » des travailleurs de plateforme
Le statut d'auto entrepreneur était la première pierre de l’édifice voulant installer les plateformes aux commandes de l’économie. Ce statut, que regretta même son géniteur Nicolas Sarkozy, a poussé le Président actuel à se targuer d’avoir créé 1 Million d’entreprises en 2021. Quelle prouesse en plein Covid ! Quand on met le curseur dessus, on constate que ces « entreprises » ne génèrent pas plus de 590 euros par mois de revenus selon l’INSEE. Et, en termes de croissance, on ne peut pas dire qu’elles soient des locomotives de l’économie. Elles permettent l’apparition de travailleurs pauvres, mis dans la roue du hamster, poussés à la fraude et à la concurrence déloyale. Même des pays comme l’Inde ou le secteur informel est très important, exprime des réticences à ce modèle causant des dégâts trop importants dans le tissu économique et social.
Cependant, dans nos sociétés démocratiques, des relais politiques publics peu scrupuleux s’activent en coulisse à casser les dernières barrières législatives et réglementaires. Elles offrent ces voies de garage « aux jeunes de banlieue » pour satisfaire la demande insatiable de chauffeurs de la part des plateformes, en prétextant vouloir les aider à trouver un "emploi", drôle d'appellation pour des entreprises qui refusent d'être qualifiées comme des employeurs. Uber pour la politique de la ville, bientôt, Airbnb pour la crise du logement, ou Doctolib pour mener les politiques de santé. Qui dictent leurs algorithmes, assurément pas la puissance publique, même pas capable de la réguler.
La régulation : grande inconnue de l’équation
Dans le secteur du taxi, il y a eu différentes lois (loi Thevenoud, loi Grandguillaume, Loi Mobilités…) dans lesquelles on présentait toujours le sujet sur un fond de rivalité entre chauffeurs VTC et taxis qu’il fallait calmer par une médiation, alors que le véritable facteur de déstabilisation était le défi qu'offraient les plateformes au respect du cadre légal et réglementaire. Cette régulation, échappait ainsi en partie, au débat politique. Les soutiens politiques à ce nouveau modèle économique multipliaient les amendements, les interventions auprès des services d’Etat, et des administrations de l’Union Européenne, les rencontres secrètes avec les représentants de plateforme pour assurer leur pérennité. Ces scènes d’influence étaient ressenties par tous mais il fallait des éléments tangibles pour les mettre en lumière, et ce scandale est l’occasion rêvée d’exposer tous ces dysfonctionnements et ces conflits d’intérêt au regard du public français et européen.
L’article 2 de la loi Grandguillaume : garant de la souveraineté numérique
En 2016, l’Assemblée nationale vote en commission paritaire à l’unanimité, la loi GrandGuillaume, et en particulier son article 2 permettant à l’État de se doter d’un instrument de régulation par la data sans précédent. Cette loi s’adressait à tous les acteurs du T3P, Taxis, VTC, et centrales de réservation.
L’article 2 offrait enfin la possibilité de récolter les données du secteur, aussi bien en matière de contrôle dans les conditions d’accès à la profession, des conditions d’exercice de l’activité, et des conditions de mises en relations des centrales de réservation, que de réaliser des statistiques permettant de sortir de l’amateurisme pour avoir des indicateurs de qualité et pouvoir réguler le secteur de façon à mettre fin aux errances dans la sécurité publique. Chaque victime de vol, de viol ou d’agression par un chauffeur qui n’est pas en règle relève de la responsabilité de l’État dans son manquement à faire appliquer cet article 2.
Cependant, les arrêtés ont été bloqués 5 ans par le ministère des transports, pour permettre aux plateformes de continuer d’œuvrer dans l’illégalité, sans que personne ne se soucie des questions de sécurité publique posées par cette absence de régulation, et du préjudice causée aux taxis par la fraude et la concurrence déloyale. Le ministère prétextait des arguments non recevables (CNIL, COVID…) pour expliquer 5 ans de retard. Et, une fois la parution des décrets, grande déception, la loi a été détournée de son sens originel. Quid de la spoliation de l’activité des taxis ? Quid de la géolocalisation en temps réel permettant de contrôler et sanctionner les plateformes en situation de fraude. Pas d’ouverture du contrôle par la data aux collectivités locales. Également, le ministère remplace le contrôle périodique par un contrôle ponctuel, à son bon vouloir.
De la force de l’enquête parlementaire :
Bien que notre République soit déstabilisée, il faut reprendre le contrôle de notre destinée démocratique, en bougeant en dehors de nos sphères publiques institutionnelles, tous ces acteurs participant à en saper les fondements. La force donnée à cette pétition encouragera les acteurs publics soucieux de l'intérêt général, à engager ces demandes de commission d'enquête parlementaire. De plus, il faut mettre en place une régulation qui soit forte, redonnant la souveraineté à l’Etat sur ces mastodontes technologiques. Ainsi, les citoyens pourront retrouver confiance dans l’action publique de l’Etat. Le monde entier attend que la France, et l’Europe prouvent la force de leurs valeurs et de leurs institutions démocratiques pour faire la lumière en mettant en place ces investigations. La boussole de nos sociétés n’est pas le consumérisme, mais le respect des règles démocratiques protégées par l’Etat de droit. Les problèmes dans la société ne se résolvent pas à coup d’appli Internet mais en menant des vraies politiques publiques au service de l'intérêt général plaçant la raison et non la « rationalité » au centre des débats. N' est-on pas le pays de la Raison ?
Merci de votre attention
Team Taxi
Ps : une manifestation européenne des taxis se tiendra le 8 Septembre 10H30 à Bruxelles. Des chauffeurs de taxi de toute l'Europe convergeront vers la capitale européenne pour sauver notre profession des griffes des plateformes et de leurs relais politiques. Pour ceux qui veulent se joindre au mouvement, n'hésitez pas à nous contacter sur le mail teamtaxifrance@gmail.com pour plus de détails.
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