LETTRE OUVERTE
Nous venons vers vous concernant des problématiques auxquelles nous devons faire face actuellement dans le médico-social et plus précisément au sein des CAMSP (Centre d’Action Médico-Sociale Précoce) et des services socio-éducatifs.
Il nous paraît essentiel de vous alerter sur la réalité du terrain.
Le premier point porte sur l’inclusion scolaire :
Outre le manque de personnel, la liste d’attente des patients qui s’allonge dans nos structures, les difficultés de recrutement d’AESH (Accompagnants d’Elèves en Situation de Handicap) et AESH cantine, l’inaccessibilité des structures spécialisées type IME (Instituts Médico-Educatifs)/EEAP (Etablissements pour Enfants et Adolescents Polyhandicapés)/SESSAD (Service d’Education Spécialisée et de Soins A Domicile) par manque de place et de création de nouveaux établissements ; l’inclusion scolaire « ordinaire » des enfants en situation de handicap (parfois lourd) devient la norme. Le déficit intellectuel parfois profond ou encore les troubles du comportement rendent l’inclusion des enfants plus maltraitante que bienveillante. Les enfants ordinaires pâtissent eux aussi de cette situation, mais également les professeurs des écoles et les directeurs, sommés par les familles d’accueillir leur enfant porteur de handicap comme le préconise la loi, même en l’absence d’AESH.
Nous rappelons que la surcharge d’enfants ayant besoin d’AESH au sein d’une même classe a pour conséquences des accueils à temps partiel et une baisse significative du niveau social des familles qui ne peuvent accéder à un emploi. L’éducation nationale n’est pas une garderie, et encore moins une structure de soins. A Marseille, il se met en place le recrutement d’agents diplômés d’un CAP petite enfance pour l’accueil plus systématisé d’enfants porteurs de handicap en crèche municipale. Le personnel qualifié est en perte. Au vu du communiqué de presse paru le 12/04/2023 sur le rapport de l’IGAS concernant les dysfonctionnements des crèches, cela est d’autant plus inquiétant.
Le second point porte sur les soins :
Les préconisations de la HAS sur l’urgence de soins précoces induisent des dysfonctionnements. Actuellement se mettent en place des « prises en charge » devant répondre aux recommandations mais pas forcément de manière adaptée aux besoins des enfants et encore moins au soutien des familles (car limitées à quelques professions paramédicales et axées uniquement sur l’enfant). Par exemples, l’accès pour tous aux soins libéraux porté par la PCO (Plateforme de Coordination et d’Orientation) pour une durée limitée à 18 mois pour les enfants avec troubles du neuro-développement de 0 à 6 ans (plateforme déjà saturée par les demandes et avec un délai d’attente de plusieurs mois à Marseille et en avril 2023, un refus de prendre des nouveaux patients) ; et un projet qui prend naissance : le parcours Cocon (soins préCOces et COordonnés du Nouveau-né vulnérable) avec un suivi de consultations par un médecin et la possibilité d’y ajouter des spécialistes de 0 à 5 ans. Ces projets partent d’un bon sentiment, certes, mais ils ne sont pas appropriés par rapport aux soins apportés par des services médico-sociaux composés d’une équipe pluridisciplinaire, lesquelles structures devraient être plutôt renforcées et créées. Qu’en est-il de la prise en charge sociale, familiale, parentale, éducative, psychopathologique, etc. ?
De plus, nous apprenons que des CMPP (Centres Médico-Psycho-Pédagogiques), dans lesquels nous orientons une grande partie de nos patients en suite de soins ou en attente d’une structure adaptée, n’accueilleront plus les enfants du CAMSP ayant des troubles du neuro-développement (l’indication de leurs prises en charge a été modifiée par l’ARS : le dernier projet médical dernièrement contractualisé avec l’ARS se centre sur les TSLA, le TDA(H), le psycho- traumatisme, les troubles anxieux et phobiques et troubles réactionnels de l’attachement, RSA et suicide pour l’antenne ado. Les prises en charge courtes sont préconisées afin de proposer des RDV rapides sur les situations d’urgence et d’éviter une liste d’attente.)
Comme vous le savez, certaines familles n’ont pas la possibilité de financer une prise en charge en libéral, et en qualité de parents, ils ont aussi besoin de soins, de soutien, de guidance (ce qui n’est pas prévu dans le système des plateformes). Il existe également des inégalités selon les quartiers en matière de soins pour les enfants : les déserts thérapeutiques même dans les grandes villes existent bien. Depuis quelques années, tout le monde « bricole » : le médico-social, la PCO, les écoles, les PIAL, les CMPP. Aujourd’hui, nous arrivons à l’impossibilité de trouver des solutions pour nombre d’enfants et leur famille (les recommandations de l’urgence des soins précoces ne fonctionnent déjà plus).
Se rajoute une information que le CNSA a rappelé à l'ordre la MDPH et le conseil départemental 13 pour l'utilisation de la PCH aide humaine. Que ce soit en CESU gré à gré ou prestataire, ils ne peuvent être utilisés pour financer l'emploi d'un éducateur spécialisé, de la garde d'enfant ou un soutien à domicile. Le conseil départemental a commencé à faire des contrôles.
"La PCH n’est pas la seule prestation en mesure de couvrir des frais liés à des besoins de compensation. La PCH, et en particulier son volet aide humaine, n’a pas été conçue pour répondre à l’ensemble des besoins des personnes en situation de handicap. Certains besoins en aide humaine ne peuvent pas être couverts par la PCH, mais peuvent éventuellement l’être par d’autres prestations. On peut citer en particulier l’aide-ménagère, l’aide à la parentalité et les besoins liés à l’absence de mode de garde pour les enfants, même s’ils sont en lien avec le handicap."
Cela pose la question pour ces familles du droit au répit (pas de structure dans le 13 pour des enfants petits), au mode de garde (sur Aix, les enfants n'ont quasiment jamais d'AESH sur le temps périscolaire et la plupart des enfants sont trop fatigables, très peu de centre aéré les accueillent le mercredi et ce n'est pas toujours adapté pour eux), à la possibilité de garder leur travail quand il n'y a pas de scolarité à temps plein (ou de périscolaire), l'accès aux loisirs....
Nous nous inquiétons de tous ces changements pour les familles au même titre que tout ce qui a déjà été cité.
Les pouvoirs publics ne devraient pas avoir à s’étonner des problèmes de plus en plus médiatisés concernant certains enfants victimes d’exclusion totale d’établissement scolaire ou même des parents qui craquent d’épuisement, faute de soins, faute d’accompagnement, faute de place en structures spécialisées.
Ainsi, nous observons, au fil du temps, la mise en avant de l’inclusion scolaire à tout prix, l’inaccessibilité du médico-social et le déploiement des soins en libéral non accessibles à tous. Nous assistons à un soin du handicap pédiatrique à 2 vitesses. D’autant plus que le recrutement de certains professionnels spécialisés est très difficile par défaut de candidatures : ainsi, nous manquons cruellement de pédopsychiatres, ORL, neuropédiatres, neuropsychologues, orthophonistes… ; et travaillons, malgré tout, avec ce que l’on a, du mieux que nous pouvons le faire pour le soin et l’accompagnement médical, paramédical, psychologique et social des familles et des enfants. La pression institutionnelle nous épuise et au mieux, nous assisterons à du faux-semblant de soins et au pire, à la mort du médico-social.
Au-delà du champ médico-social il convient aussi de vous alerter sur la protection de l'enfance et par déclinaison sur la situation d'enfants en situation de danger qui restent dans l'attente d'une prise en charge et d'un accompagnement adapté en lien avec une décision du juge des enfants.
L'absence d'attractivité des professions sociales et les rotations importantes de personnels au sein des établissements et services sont des facteurs non négligeables dans la continuité et l'effectivité des prises en charges.
Le champ de la protection de l'enfance est en danger, vous devez considérer ce danger pour que les enfants les plus vulnérables puissent faire l'objet des attentions nécessaires ! Les incantations ne suffisent pas il faut un véritable plan national pour remédier à ces graves carences institutionnelles dont la responsabilité de l'État est pleine et entière.
En espérant que vous pourrez faire remonter aux pouvoirs publics et politiques ces difficultés de plus en plus prégnantes et inquiétantes concernant les soins précoces et la poursuite de soins des enfants en situation de handicap, l’accompagnement de leurs familles, et l’aide socio-éducative des plus vulnérables.
Premiers signataires :
Les équipes des CAMSP de Marseille, Aix et Aubagne.
Les représentants CGT des salariés de l’ARI
Les représentants CGT des salariés de la Sauvegarde 13
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