Des situations peu humainesNaître avec un handicap, c'est affronter
les souffrances de la maladie, les hospitalisations, l'inquiétude de ses proches. C'est aussi se heurter à de sévères difficultés d'accès aux soins. Les familles suivent un parcours semé d'embûches. Elles devront affronter les longs délais de rendez-vous, les incertitudes sur le diagnostic, la saturation des établissements.
Ces enfants porteurs de handicap sont
nombreux à souffrir de troubles de la déglutition, de la communication et du langage. Une prise en charge plus précoce est recommandée depuis vingt ans par toutes les autorités de santé. Les professionnels et les parents constatent pourtant que cette prise en charge est toujours
difficile à mettre en œuvre, surtout en orthophonie et en kinésithérapie libérale.
Les règles complexes de l'assurance-maladie française aboutissent trop souvent à des situations bloquées. Les professionnels libéraux doivent refuser certains soins, faute de financement par l'assurance-maladie. Il existe une forte inégalité entre l'enfant porteur de difficultés légères, qui sera reçu avec une prescription de son médecin traitant, et l'enfant porteur de handicap, qui sera refusé malgré la prescription du spécialiste. Cette situation contredit l'article 7 du code de déontologie médicale :
« Le médecin doit écouter, examiner, conseiller ou soigner avec la même conscience toutes les personnes quels que soient leur origine, leurs moeurs et leur situation de famille, leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, une nation ou une religion déterminée, leur handicap ou leur état de santé, leur réputation ou les sentiments qu'il peut éprouver à leur égard.Il doit leur apporter son concours en toutes circonstances. »
La « double prise en charge »Le problème en cause se nomme règle « de la double prise en charge ». Celle-ci interdit le remboursement des soins de ville dès lors que l'enfant est suivi par un établissement médico-social (CAMSP, SESSAD, IME). L'établissement doit alors financer les soins libéraux sur sa propre dotation. Des dérogations sont accordées au cas par cas par les caisses d'assurance-maladie.
Cette règle est inscrite à l'article R314-122 du code de l'action sociale et des familles. Le législateur souhaitait hier répondre à certains dysfonctionnements, et maîtriser les dépenses de santé. Le texte n'atteint plus son objectif aujourd'hui, et aboutit à des situations dramatiques pour les enfants.
La charge financière des établissements s'est accrue. Ceux-ci ont souvent de longues listes d'attente. Ils doivent accompagner les progrès de la médecine, qui exige des soins plus précoces et plus techniques. Les postes salariés ne sont pas toujours pourvus, notamment en orthophonie et en kinésithérapie. Cette charge de travail est aggravée localement par les difficultés des territoires.
Nos maisons départementales du handicap (MDPH) reconnaissent de plus en plus les besoins chez les enfants, sans qu'une prise en charge puisse être réalisée en pratique. Si l'enfant est finalement admis en établissement, des « priorités » seront réalisées en fonction des contraintes médicales, sociales et financières.
Les familles concernées ne peuvent pas se tourner vers l'orthophonie (et la kinésithérapie) libérales, auxquelles l'accès est limité. Elles devront donc accepter des soins tardifs et limités dans le médico-social, et un déconventionnement en secteur libéral...
Ce que nous demandons
Les enfants et les professionnels bénéficient déjà de la bienveillance des ARS et CPAM. La loi reconnaît une possibilité de dérogation individuelle. Cependant, ce n'est plus suffisant, et les recours à réaliser ne font qu'alourdir la charge des familles.
Nous demandons l'abrogation de cet article R314-122 du code de l'action sociale et des familles, et la refonte du système dans l'intérêt des enfants suivis.
Nous demandons à ce que les enfants et leurs familles puissent accéder à des soins d'orthophonie et de kinésithérapie de qualité, dans le respect du contrôle nécessaire des dépenses de santé.