Ma mère avait 60 ans. Elle était mère de trois filles. Toute sa vie, elle s’est battue.
D’abord contre une enfance sans amour. Orpheline très jeune. Un père absent. Une belle-mère maltraitante.
À 18 ans, elle a tout quitté. Seule.
Et c’est en devenant maman qu’elle a trouvé ses plus grandes forces.
Elle a eu trois filles. Ma demi-sœur, atteinte d’autisme, qu’elle a élevée seule après que le père l’a abandonnée. Puis ma sœur. Puis moi.
Elle n’a jamais flanché. Elle s’est battue, sans repos. Elle nous a aimées de toutes ses forces.
À mes yeux, elle était “immortelle”. Avec tout ce qu’elle avait traversé. Forte. Présente. Combattante.
Mais derrière tout ça, elle portait une souffrance immense. Une dépression sévère. Une douleur que peu ont su, voulu ou pu comprendre.
Elle a été hospitalisée plusieurs fois, notamment dans cette clinique psychiatrique spécialisée où elle a passé ses derniers jours.
La première fois, elle en était ressortie un peu apaisée. Mais ensuite, tout s’est aggravé. Les rechutes, plus profondes.
L’été dernier, j’ai appelé les pompiers. Elle allait mal. Son médecin traitant ? Laxiste. Passif.
Alors avec ma sœur et mon père, on a demandé une hospitalisation sous contrainte. Elle nous a suppliés de ne pas faire ça. Mais on l’a fait par amour, pour la sauver.
Juste avant qu’elle parte, je l’ai serrée dans mes bras.
Je ne savais pas que ce serait la dernière fois.
Elle a levé l’hospitalisation quelques semaines plus tard. Et a demandé à retourner dans la clinique où elle avait ressenti un peu de mieux.
Elle y est entrée de son plein gré. Avec un dossier médical stipulant la sévérité de sa dépression.
Elle pensait y être mieux. Ils lui ont laissé plus de liberté. Mais elle n’allait pas mieux. Et la clinique le savait.
Pendant son séjour, elle a rencontré un homme. Ancien patient. Suivi encore par la clinique. Selon le personnel, ils se “soutenaient”.
En réalité, ils se sont entraînés l’un l’autre vers la fin.
Le 3 novembre, elle ne rentre pas à la clinique. Il est 19h.
Le protocole exigeait que la personne de confiance soit alertée. Cette personne, c’était mon père. Mais l’infirmière “ne se sentait pas de le prévenir.” Alors personne ne l’a fait.
Elle était simplement sortie.
Elle n’était pas encore morte.
La clinique n’a pas fait son travail. Elle a failli à son devoir de protection. Et ce n’est pas tout.
Ils ont alerté les gendarmes. Les gendarmes ont reçu l’adresse où elle était : chez cet homme.
Mais ce n’était pas “leur secteur”. Alors ils ont transmis l’info à une autre gendarmerie… Qui affirme ne l’avoir reçue que le lendemain matin.
Le 4 novembre, ils vont sur place. Ils toquent à la porte. Et ils repartent.
Ma mère était en train de mourir. Et personne n’est intervenu.
C’est une infirmière qui l’a retrouvée. Trop tard. Ma mère est décédée cette nuit-là. Elle a ingéré des médicaments. Avec cet homme. Lui a survécu. Pas elle.
Nous avons appris sa mort d’une manière inhumaine. La psychiatre a appelé mon père.
“Vous êtes bien M. ?
J’ai une mauvaise nouvelle.
Votre femme est décédée.”
Froid. Brutal. Inhumain.
Mon père pensait à une mauvaise blague. Il a même appelé la gendarmerie locale pour signaler un faux appel.
30 minutes plus tard, ils venaient frapper à notre porte. Ce n’était pas une erreur.
Elle a laissé deux lettres. Une pour la clinique.
Et une pour nous :
“Je ne veux pas être un poids pour vous, ni vous gâcher la vie.
Vous êtes grandes, vous avez votre vie.
Vous n’avez pas besoin de moi.
J’ai décidé d’en finir avec la personne qui m’a aidée dans les moments difficiles.
Je vous aime.
Maman.”
Ces mots me déchirent.
Parce qu’on avait encore besoin d’elle.
Parce qu’elle n’a jamais été un poids.
Parce que ça aurait pu être évité.
La clinique savait. Les autorités savaient. Et pourtant : Aucune action à temps. Aucune protection.
Je suis en colère.
Contre ce système.
Contre cette clinique.
Contre ces services qui ont eu les infos. Et qui n’ont rien fait.
Rien.
Il y a une enquête. On a un avocat. Mais face aux institutions, que vaut notre voix ? Que vaut la mienne, pleine de chagrin et de rage ?
J’ai peu d’espoir. Mais je refuse le silence.
Je veux qu’on parle d’Adélaïde. Qu’on sache qu’elle a existé. Qu’on dise son prénom.
Adélaïde.
Une femme forte. Une mère aimante. Une battante que le système a laissée tomber.
Elle n’était pas “un suicide parmi tant d’autres.”
Ma mère aurait pu être sauvée.
Et moi, je continuerai de me battre.
Pour elle.
Pour la justice.
Pour sa mémoire.
Pour que sa mort ne soit jamais juste une ligne dans un dossier.
Je m’appelle Laura.
Et je veux que plus jamais une autre famille ne vive ce cauchemar.
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