Elle, elle attend, la vieille
Elle, elle attend, la vieille,
la vieille, elle, elle attend,
elle, elle attend, la vieille,
elle veille, elle attend..
Qu'attend-elle, donc, la vieille ?
Elle seule le sait.
Mais, qu'attend-elle, la vieille ?
Le saura-t-on jamais ?
Elle attend depuis tant,
tant et tant, tant de temps,
des hivers, des printemps,
des semaines et des ans,
elle attend patiemment,
le cœur plein d'impatience,
mais calme, en apparence,
elle semble, patiemment,
attendre, sereinement,
mais son cœur est en vrille
car elle attend sa fille.
Qui est-elle donc, sa fille ?
Et, où est-elle, sa fille ?
Elle seule le sait !
Où est-elle donc, sa fille,
Le saura-t-on jamais ?
On ne l'a jamais vue,
jamais, elle n'est venue,
mais le cœur oh, si nu,
de cette pauvre vieille,
se revête, le matin,
d'un voile de satin,
car, c'est sûr, aujourd'hui,
-vois son regard qui luit-
sa fille, elle viendra,
peut-être est-ce elle, là-bas !
Et le cœur tout tremblant
de la vieille maman
s'enroule, à midi,
dans voile d'organdi,
car, c'est sûr, tout à l'heure,
ce sera grand bonheur,
sa fille, elle viendra,
sa fille, elle, sera là.
Et le cœur, oh, ému,
gémit, se sent si nu,
pourquoi n'est-elle venue,
un tout petit moment,
mêle un très court instant,
hier ou avant-hier,
la semaine dernière ?
Son cœur est trop chargé
d 'émotions du passé,
de chagrins du présent,
où est-elle, à présent ?
Que fait- elle, maintenant ?
Où est- elle donc, ma fille ?
Pourquoi ne vient-elle pas ?
Je l'appelle tout bas
depuis tant, tant de temps,
des hivers, des printemps,
de semaines et des ans.
Vois, j'attends patiemment,
du moins en apparence
car la désespérance
s'infiltre dans mon cœur,
ma fille ne viendra pas,
le sait, déjà, mon cœur,
ma fille ne m'aime pas
et, pourtant, moi, sa mère,
même pendant l'hiver
de ma triste vieillesse,
je sens tant de tendresse
pour ma fille chérie,
je dis tant de prières
à mon Dieu, Notre Père,
qu'un jour elle m'aimera,
qu'un matin, elle, viendra,
me prendre dans ses bras,
et me lire un poème
en me disant « je t'aime ».
C'est pourquoi, le matin,
dès le lever du jour,
parfois depuis la veille,
elle revêt, la vieille,
un voile de satin,
un tissu de velours,
ouvre ses cheveux blancs
de paillettes d'argent,
enguirlande son cœur
de mil et une fleurs.
Elle attendra, la vieille,
la vieille, elle attendra
des hivers, des printemps,
des semaines et des ans
et, peu à peu , sans doute,
infiltré par le doute,
son cœur se fripera,
sa fille ne viendra,
elle le sait déjà,
le sait depuis longtemps,
des mois, même des ans,
le sait depuis toujours,
mais pourquoi donc l'amour,
l'Amour pur d'une mère
et l'aura des prières,
ne peuvent éveiller,
dans le cœur de sa fille,
quelque chose qui brille ?
Des hivers ont passé,
des printemps, des étés,
personne n'est venu
masser ce cœur si nu.
Et ce cœur s'est fripé
sous le poids du chagrin ,
il s'est ratatiné,
était-ce son destin ?
Et puis, un beau matin,
il a dit, son cœur nu,
ois-tu, je n'en peux plus,
elle n'est pas venue
et ne viendra jamais,
tu le sais, dis, pas vrai ?
Maintenant, ça suffit,
pauvre maman chérie,
toi, cesse de combattre,
je vais cesser de battre.
Revêts-moi de satin
comme chaque matin,
revêts-toi de velours,
oh, toi qui meurs d'amour,
toi, privée de tendresse,
toi qui meurs de tristesse.
Revêts-moi d'organdi,
pauvre maman chérie,
pour accueillir la Mort,
ce merveilleux trésor,
trésor qui va t'offrir
un collier de saphir,
lui qui va t'emporter
au doux pays des fées,
en la belle contrée
qui ne connait ni haine
ni les peurs, ni les peines,
en ce pays rêvé
ce pays de bien- être
où fleurit la tendresse
t'attendent mille caresses
celles de tes ancêtres
celles de tes parents,
celles de tes enfants,
certains morts en bas-âge.
Reverras leur visage
et entendras leur voix,
de tes chers disparus.
Moi, petit cœur si nu,
aurai cessé de battre
mais dormirai en paix
dans ton corps refroidi.
Aurai cessé de battre
mais dormirai en paix
ans le corps de la Terre,
comme toi, pauvre mère,
toi, la morte d'amour,
toi qui, pendant des jours,
es mois, et puis, des ans
a attendu l'enfant
qui n'est jamais venue,
sa fille, a attendue,
pendant des mois, des ans,
des hivers, des printemps ,
l'enfant, a attendue,
tant et tant, tant de temps !
Anélise, Briançon, le 12 juillet 2015, « Pourquoi ? » l’un des dix recueils , inédits à ce jour, de « Messages »
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