Les faitsAujourd'hui il n'y a pas de preuve de cancérogénicité humaine provoquée par le glyphosate aux doses d'exposition usuelles. Les études épidémiologiques indépendantes effectuées sur des cohortes d'agriculteurs exposés ne montrent pas d'augmentation significative de l'incidence des cancers humains (étude américaine AHS et étude française AGRICAN).
Voilà en tout et pour tout ce qu'a rappelé Patrick Cohen devant Yannick Jadot, le mercredi 30 mai sur France 5.
Rappeler ce simple fait, qui constitue un large consensus scientifique actuel, est censé être le travail de base d'un journaliste se voulant objectif sur une question touchant à la santé publique. Or ce fait est systématiquement occulté, laissant par défaut se répandre l'idée maintenant solidement ancrée dans les esprits que le glyphosate est un dangereux cancérogène. A tel point qu'oser contredire cette croyance populaire en citant les faits est devenu :
- un réel sujet d'étonnement pour les observateurs avertis, qu'ils soient scientifiques, sceptiques, agriculteurs, etc.
- un sujet d'indignation pour une population désinformée à qui on a martelé depuis des mois que le glyphosate est l'odieux responsable de tous les maux, depuis le cancer jusqu'à la mort des abeilles.
M. Cohen a reçu des félicitations méritées d'un grand nombre de personnes, pas seulement pour avoir fait normalement son travail, mais surtout pour avoir eu le courage de ne pas céder à la tendance actuelle de mettre sous le tapis des réalités scientifiques peu populaires.
Mais comme on pouvait s'y attendre un bien plus grand nombre de personnes se sont indignées. Une pétition a même été initiée sur ce même site demandant la démission de Patrick Cohen.
Le problèmeOn peut évidemment être opposé si l'on veut à l'utilisation des pesticides en général et au glyphosate en particulier. On peut même tout à fait s'indigner que l'on soit opposé à son interdiction. Si l'on place de façon claire la question sur les plans politiques et idéologiques, sans invoquer de fallacieux prétextes ni provoquer de peurs infondées, je n'y vois pas d'inconvénient particulier, puisqu'il s'agit d'un légitime débat de société.
Mais ce qu'on observe actuellement est différent. Le glyphosate est attaqué en niant les faits mis en évidence par la science. Et comme ces faits dérangent, on attaque la science par la même occasion :
- En accusant systématiquement les scientifiques et agences de santé de collusion avec l'industrie des produits phyto-sanitaire. Si un produit déclaré "dangereux" par la vindicte populaire est au contraire "sûr" pour la science, c'est forcément qu'un lobby a fait pression. C'est oublier un peu vite que la science montre régulièrement la nocivité de certains produits, qui sont alors retirés. Ne faire confiance en la science que lorsque ses conclusions confirment des préjugés démontre que cette position est purement dogmatique et ne cherche aucunement à tenir compte des faits.
- En cherchant à faire taire les voix discordantes. Toute personne prenant parti aujourd'hui pour une position tenant compte des données de la science dans les média se met en danger.
La liste des "victimes" s'allonge, on peut citer :
Erwan Seznec, journaliste chassé de Que Choisir sous la pression d'activistes écologistes pour avoir rappelé le fait que l'agriculture bio utilise elle aussi des pesticides.
Kevin Folta, professeur et président du département des sciences horticoles de l'Université de Floride, attaqué par le lobby bio pour avoir rappelé que la science ne montre pas de problème de santé lié aux OGM, et poussé à la démission.
David Zaruk, viré de son poste de professeur à l'Université Saint-Louis de Bruxelles pour avoir combattu sur son blog
risk-monger.com la désinformation anti-science, sous la pression notamment de Olivier De Schutter, professeur de droit à l'Université de Louvain.
Le même scénario se reproduit ici avec Cohen. Une attaque en masse visant à faire taire une voie discordante, seule solution puisque les faits ne peuvent être contredits de façon argumentée. Au moment où j'écris, il se trouve environ 20000 personnes pour signer la pétition demandant sa démission.
Voici donc ce qui me semble absolument scandaleux ici : au-delà de Cohen lui-même, ou du glyphosate, ou des pesticides, c'est une conception de la science qui est attaquée. Vouloir ainsi faire taire quelqu'un qui expose des faits, très facilement vérifiables de surcroît, devrait inciter toute personne intelligente à trouver la chose suspecte, à chercher à comprendre où se trouve la manipulation, et à qui elle profite. Faire taire Seznec, Cohen ou des scientifiques parce qu'ils rappellent des choses dérangeantes, est un signe de très mauvaise santé pour notre société.
Que peut-on faire ?Il faut avant tout ne pas laisser passer sans rien dire ces situations scandaleuses. Si nous en sommes là aujourd'hui, c'est en grande partie à cause d'un silence assourdissant, qui devient au fil du temps de plus en plus difficile à rompre.
La "remise d'une médaille" à Patrick Cohen est évidemment une boutade : il s'agit avant tout de signaler l'abus manifeste que constitue cette appel à la démission, voire de mise à la porte : la pétition ne s'adresse pas à Cohen lui-même comme le voudrait logiquement une demande de démission, mais à la direction de France 5 ! Que l'on apprécie par ailleurs Cohen n'a que peu d'importance. Comment pourra t-on à l'avenir faire confiance aux journalistes si l'on sait qu'ils n'oseront plus aborder les réalités scientifiques par peur de représailles populaires ou idéologiques ? C'est donc une position de principe qui ne se limite pas au cas Cohen.
Signer cette présente pétition ne signifie donc absolument pas "être pour les pesticides", ou "être pour le glyphosate", ni même être un admirateur inconditionnel de Patrick Cohen. C'est uniquement un soutien à la science en général, à sa méthode et à sa démarche, et à une certaine conception honnête du journalisme. C'est un rejet de l'obscurantisme et de la désastreuse pifométrie anti-scientifique, que l'on retrouve de façon très similaire dans bien d'autres domaines liés à la science, comme par exemple la médecine ou l'énergie.
Athéenuation IV@AtheeIV