Lettre ouverte des médecins libéraux :
A Monsieur MACRON
A Monsieur BRAUN
A Madame RIST
A Monsieur FATOME
Aux Français
Nous écrivons ces quelques lignes pour faire part de nos inquiétudes à propos de l’avenir du système de santé français, tout particulièrement de la médecine de ville, de notre désarrois vis-à-vis des propositions de réformes de ce même système de santé, des sources d’angoisse et de démotivation que cela engendre dans toute la profession médicale.
Nous souhaitons également alerter les français quant au risque pour leur santé.
Mettons de côté la question financière qui, à notre sens ne fait que polluer et interférer sur la situation actuelle qui est extrêmement grave.
La profession alerte depuis plusieurs années, voire dizaines d’années sur le manque d’effectif médical et le problème d’accès aux soins qui en découle, situation amplifiée par le vieillissement de la population et l’augmentation de la demande de soins qui en résulte.
La réponse à cette problématique fournie par notre gouvernement actuel comprend deux grands axes principaux :
1 – la délégation de tâche
2 – des mesures de coercitions
Concernant le premier axe, l’état français souhaite déléguer une grande partie de nos tâches aux professions paramédicales notamment les infirmiers et les pharmaciens. Pour cela, ils ont créé un nouveau métier « l’infirmier en pratique avancé ». Le principe c’est de donner une formation supplémentaire à un infirmier en deux ans de temps, afin qu'il soit « capable » de soigner des patients dits « malades chroniques » et « stables », de pouvoir gérer les traitements, diagnostiquer et surtout pouvoir initier un traitement et cela en accès libre. Cela décrit en tous points le rôle du médecin traitant.
Comment peut-on imaginer être capable de soigner correctement un patient après deux ans « d’études médicales » ?
Pour rappel, tout médecin a dans son cursus appris le fonctionnement normal du corps humain puis ses dysfonctionnements. Il a ensuite appris à les soigner, à utiliser les médicaments, leurs avantages, leurs effets néfastes. Il a été autorisé à prescrire après un examen à sa sixième année d'étude. Puis avant d’être autorisé à exercer seul, il a passé au minimum 3 ans à temps plein à l’hôpital et dans les cabinets de ville à exercer sous la supervision de ses aînés. Tout cela correspond à 10 ans d’études et nombres de médecins ne se sentent pas encore surs à 100% dans leurs soins et craignent de faire des erreurs en début de carrière.
Comment peut-on légitimement penser y arriver en 2 ans de temps ?
Comment peut-on faire croire à un patient qu'il peut remettre sa santé et sa vie dans les mains de ces professionnels ?
Comment un médecin peut-il accepter ces décisions ?
Comment penser que des jeunes pourront avoir envie de faire ce métier par la suite ?
La réponse est simple. Les médecins se sentent dévalorisés et humiliés. Cela revient à mettre 10 ans de nos vies à la poubelle. Les jeunes ne voudront plus se former. Les patients eux seront en danger.
Concernant le deuxième point, le seul objectif du gouvernement, de la CPAM et de l’ARS, est de contraindre les médecins à travailler plus, en donnant des objectifs de consultation en nombre inatteignables, en nous obligeant à faire un plus grand nombre de garde, en nous obligeant à aller travailler à l’hôpital si celui-ci est en tension en plus de ce que nous faisons déjà au quotidien, en nous obligeant à accueillir des patients sans médecin traitant en plus de notre patientèle.
Pensez-vous que nous nous tournons les pouces dans nos bureaux ?
Pensez-vous que nous refusons tous les jours des patients pour le plaisir ?
Pensez-vous que nous n’avons pas besoin de dormir, manger, souffler ?
N’avons-nous pas le droit d’avoir une vie de famille, des enfants, des loisirs ?
Les journées sont longues, nécessitent une attention de tous les instants afin de soigner correctement nos patients et sans temps de répits. Nombreux sont les médecins déjà épuisés par le rythme actuel.
Nous avons fourni un effort collectif colossal durant la pandémie mettant en danger pour certains nos vies et celles de nos familles. Voilà quelle reconnaissance nous est donnée. Voilà comment vos médecins sont dénigrés.
Les récentes communications de la CPAM émanant des négociations conventionnelles ne font qu’amplifier ce sentiment d’humiliation et d’insulte à notre métier.
Beaucoup d’entre nous se posent la question de continuer, certains ont déjà arrêté !
Telle est la situation de la médecine en ville actuelle, nous n'en sommes pas responsable et ne le seront pas pour ce qui arrive.
L’avenir de la médecine en France sera à 2 vitesses. Il y aura ceux qui pourront se soigner, consulter un médecin et qui auront les moyens financiers de le faire, et il y aura les autres.
Nous espérons par cette lettre, interpeller, faire réagir et obtenir un soutien de tous. Des solutions existent pour améliorer les choses. Nous ne demandons qu'à être écouté.
Nous n’oublions pas nos confrères hospitaliers et nos collègues paramédicaux qui sont également dans une situation plus que complexe à l’hôpital.
Vous êtes sûr ? Votre mobilisation est importante pour que les pétitions atteignent la victoire !
Sachez que vous pouvez vous désinscrire dès que vous le souhaitez.