Certes, il convient, et avec un immense MERCI, de rendre hommage à tous les soignants qui se dévouent corps, cœur et âme, dans des conditions difficiles et avec un matériel insuffisant, des ressources humaines limitées etc, pour les malades qui leur sont confiés, et je veux, ici, leur rendre hommage.
Hommage aussi à tous ceux et celles qui travaillent dans l’ombre, qui passent inaperçus mais dont nous avons tant besoin. Mais, hélas, comme j’ai pu le constater de visu et comme j’en ai eu maints témoignages, dans certains EHPAD, ce n’est pas toujours avec le respect qu’on leur doit que sont traitées les personnes âgées dépendantes.
Certains ont tendance à les considérer comme des objets ou, au mieux, comme des « légumes » (mot que j’ai entendu de la part d’une aide-soignante) !
Il serait temps, grand temps, que l’on accorde aux anciens la place, le respect, la reconnaissance, qui leur revient. Il serait temps aussi que les pouvoirs publics s’investissent davantage pour les centres qui les « accueillent », tant au niveau du matériel que des ressources humaines.
Que les prix de séjour ne soient pas exorbitants, eux qui , souvent , mettent les ayant-droit dans une situation délicate, surtout lorsque la collectivité qui a accordé une soi- disant « aide » financière pour le « séjour » de la personne concernée, réclame le montant des sommes correspondantes aux ayant droit une fois cette personne décédée, alors que ceux-ci croyaient avoir obtenu une aide (et non pas une avance !) Hypocrisie !
Ce poème peut paraître "dur"et, certes, il y a , çà et là quelques exagérations...quoique! Pourtant, ce n'est pas le poème qui est "dur" mais la réalité qui le sous-tend et ce n'est pas un hasard si les EHPAD sont parfois (souvent ) appelés des "mouroirs" !
Les vieux
Les vieux, que l'on "balargue" quand ils ne servent plus
se retrouvent alors, désemparés "et nus,
au centre aseptisé qu'on a construit pour ça,
on les entasse là, car, là, ne se voit pas
la détresse des jours, des jours et des semaines,
ne se voient pas les peurs alimentant les peines,
est occulté le poids qui pèse sur leur cœur
tout comme est ignoré le poids de leur malheur.
C'est beaucoup mieux, vois-tu, que d'les mettre en poubelle,
car on n'en pourrait plus d'ramasser à la pelle
tous ces corps décharnés, tous ces vieux détritus,
des très vieux, des très vieilles, et aussi plein de "gus"
qui frisent soixante ans mais qui, déjà, sont loin,
ne pouvant assurer, pour eux, le moindre soin.
Gentiment, l'on dit d'eux qu'ils ont perdu la tête,
et tous faisons semblant d'assister à la fête,
la fête des perdus, combien désemparés,
la fête des foutus, voudrait les ignorer
la société factice qui n'en a rien à faire,
nous, on veut de l'argent, occupons-nous d'affaire
rentable absolument, nous, on veut du profit
-silence ! Ne parlez pas ainsi de vos si chers amis !-
Et, ce déjà si vieux dont, déjà, la voix tremble,
tremble aussi sur ses jambes, et tremblent dans sa tête
tous ces airs de l'antan, lorsque c'était la fête,
la fête de l'été, la fête de Saint Jean,
le voici revenu un tout petit enfant.
Celui qui sommeillait dans les bras de Mamée,
celui qui écoutait histoires que Papé
racontait, certains soirs, lors des belles veillées,
illuminant les cœurs de sa voix grave et douce,
plus subtile, pour lui, que le chant de la source,
d'une source de paix s'infiltrant sous la mousse.
Et frissonnait de joie la chevelure rousse
de mère si jolie qu'en était ébahi
l'enfant aux cheveux blonds et au regard limpide,
-Stop ! Quand auras-tu fini cette histoire insipide?-,
au regard si limpide qu'en frissonnait de joie
la chevelure, rousse, de maman de vingt ans.
Combien il est heureux de retrouver l'enfant,
oui, cet enfant qu'il fut, qu'il retrouve aujourd'hui
comme il revoit aussi, sans doute, ses amis.
Ce sont ses souvenirs, véritables trésors,
où il puise, çà et là , pour tenir, et encor, et encore...
MAIS.
Accablé par l'ennui et noyé de misère,
son regard triste et doux n'est déjà plus sur Terre.
Pour eux aussi, c'est mieux que d'les mettre en poubelle,
car on n'en pourrait plus d'ramasser à la pelle,
tous ces si déjà vieux et ces vieux et ces vieilles.
A leurs enfants, aussi, il nous faut bien penser,
à eux aussi sont comptés les mois, les années,
Ils ont leur vie aussi, ils ont droit à la danse,
alors, nous, on s'en fout, de la désespérance
de tous ces vieux et vieilles qui seront prisonniers,
en attendant la mort et la mise au charnier.
Alors, on les conduit dans un centre "aéré",
ou, plus exactement, centre médicalisé,
dans un centre aéré où seront prisonniers
les Anciens qui, un jour, nous ont transmis la vie,
eux qui nous ont offert la joie de leur présence,
ont planté dans nos cœurs la notion des valeurs
du travail, du respect de la Terre et d'autrui,
ont travaillé pour nous, ne craignant le labeur,
nous donnant envie d'être des humains d'honneur.
Nous, au fond, ne voulons ni voir et ni savoir,
leur disons même parfois que c'est futur d'espoir,
que d'être enfermé dans un centre aéré,
car c'est là , leur dit-on, qu'on pourra vous aider,
vous serez frictionnés, lavés et bichonnés
vous aurez même droit à voir un infirmier,
et les aides-soignants sont si attentionnés!
On va bien te soigner et tu auras des douches,
une fois par semaine ; on changera tes couches
le matin et le soir, largement suffisant !
Ainsi, dans excréments, les laisse mariner
le centre aéré qui les a "acceptés",
pendant de longues heures, mais, voyons, c'est norma,l
puisque c'est devenu on ne peut plus banal.
Et se laisse mourir le papé de cent ans,
se laisse aussi mourir Mamie de cent trois ans,
cent trois ans aujourd'hui, c'est son anniversaire,
personne n'est venu, elle pense à son père,
elle revoit sa mère, ployée sous les fardeaux,
pendant qu'elle et sa sœur préparaient un gâteau,
pour l'arrivée du père, de retour de la guerre.
Elle revoit, sans cesse, des bribes de l'enfance,
cette époque bénie où fleurit l'espérance,
oui, la vie était dure, mais l'on était heureux,
on était travailleur et, c'est vrai, courageux.
Elle revoit, sans cesse, ces bribes de l'enfance,
en confondant les dates, ça n'a pas d'importance,
elle est là , mais pas là, son esprit vagabonde,
il navigue sans cesse au sein de SON vrai monde,
le seul, l'unique, celui de son village,
blotti dans la clairière et, elle, suit le sillage
de la charrue tirée par le fort Beauceron
quand le soc soulevait et retournait la terre,
cela, c'était au champ tout près du cimetière.
C'est là-bas qu'est son cœur, et le nom de Tournon
fait briller ses yeux doux d'un éclat de soleil,
elle songe peut-être à la couleur vermeille
des raisins de septembre faisant ployer la treille.
Elle revoit aussi ses chers amis d'enfance
avec qui elle allait, en dansant, vers l'école
où enfants écoutaient, silencieux, la parole
de celui qui était, pour eux, un puits de science,
c'était cela, l'école, au temps de l'espérance.
Et puis, ils font semblant, pour la paix relative,
mais leur cœur et leur corps partent à la dérive,
bousculés par les flots, tumultueux et féroces,
qu'en a-t-on donc à faire de ces vieux paquets d'os !
Pas sûr ! ça peut servir, un, jour si disette ou famine,
ça peut servir aussi à fair' de la farine,
pour les bovins, les caprins, les porcins,
pour toi, pour moi, pour nous tous, enfin.
Ou bien, on les tuera avec fusil de chasse
car, dans la société, eux, ils n'ont plus de place,
nous, on veut du profit, on veut de la croissance,
qu'en avons-nous à faire, de leur désespérance ?
Pauvres loques humaines, si nimbées de lumière,
que mon cœur, à genoux, psalmodie la prière,
la prière implorant le grand Dieu de toujours
d'envoyer, dès ce soir, à ces frères Humains,
à ces frères humains ignorés des Humains,
leur offrir dès ce soir la corbeille d'Amour,
les inviter chez Toi, oh, vrai Dieu de toujours.
Les garder près de Toi jusqu'à la fin des jours,
jusqu'à la fin des Temps et pour l'éternité,
dans ton monde nimbé de pure Vérité,
les garder près de toi jusqu'à la fin des jours,
réinventer leur joie, Toi, le Dieu de l'Amour!
Quant à moi, déjà vieille, si menue, dans l'immense Univers,
je ne peux , voyez-vous, que chanter la prière,
et vous offrir, ce soir, un très humble poème,
pour dire simplement , de tout cœur, "je vous aime ".
Anélise, Briançon, le 17 décembre 2014, "Combat" l'un des dix recueils inédits à ce jour, de "Messages".Poème en hommage à Germaine, ma maman chérie. Tous droits réservés
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